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De même que la dépendance à l'opium fut soigné par le médicament "morphine", la dépendance morphinique fut combattu par le médicament "cocaïne", et la cocaïnomanie est combattu par le médicament "méthadone"...

Cette imagerie de la Chute recèle un dualisme qui présente la force psychologique (affaiblie) du patient comme l'origine du mal et un mal d'autant plus vicieux qu'il se révèle dans une recherche hédoniste. Les différents discours qui tentent d'expliquer l'absorption des produits psychotropes font tous références à un certain plaisir, fût-ce sous la forme minimale de l'atténuation d'un certain mal d'être.

C'est dans ce plaisir que l'être tout entier se trouverait absorbé, jouissant d'un sentiment de lui-même en s'incorporant non seulement du plaisir mais de la perception, du vrai, du matériel. Cette expérience quasi chamanique est alors une ré-appropriation du corps, en réaction au corps médicalisé du savoir contemporain et au corps subordonné à la Santé Publique. Ces manipulations libèrent la sacralité inhérente au corps.

§ 2. Les résurgences de la sacralité

En matière médicale, le pas se traduit par l'émergence d'un discours diététique qui doit plus au scientisme qu'à la science et qui s'inscrit dans la généalogie de la pensée alimentaire sauvage: interdiction de certaines associations d'aliments, bon et mauvais cholestérol, combinaisons qui se neutralisent, diabolisation du sucre et de la graisse... Le Grand Oeuvre de la santé et de la longévité étant représenté par le "régime méditerranéen", ou "crétois" pour les initiés. Ainsi des préceptes flous, mais qui savent faire écho aux croyances populaires et qui sont combinés avec une exploitation commerciale habile, acquièrent valeur scientifique.

La second degré du "diététisme" se retrouve dans les mouvances new ageet leur syncrétisme qui reprennent les thèmes alimentaires les plus spectaculaires: nourriture spirituelle et naturelle, corps imputrescibles, longévité multicentenaire, jeûnes absolus... La diététique et le sectarisme se dédoublent et se croisent au gré de leurs discours pour se disputer les faveurs d'un grand public prêt à se laisser entraîner sur l'air de l'aliment sacré et à crier haro sur les vaches cannibales.

De cet assemblage hétéroclite de réactions contre le dogmatisme médical et juridique, se dégage un courant qui fait sienne la violence alimentaire pour faire

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