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Or, il ne faut pas oublier que si la mort violente est considérée comme une tragédie individuelle, cette conception n'est que le fruit d'une société qui met l'accent sur l'individu. Ainsi, la mort est un phénomène qui supporte une interprétation toute différente au niveau du groupe.

Si la conscience de groupe est atrophiée dans la civilisation contemporaine, il faut se tourner vers l'étude ethnographique pour révéler dans d'autres formes de société ce qui, pour ne plus être aussi visible chez nous, relève la signification de la mort pour le groupe.

La mort violente n'est alors rien d'autre que la perte d'une vie, ce qui doit s'entendre plus exactement comme l'affaiblissement du principe de vie dont est dépositaire le groupe. Le potentiel génétique et la force de vie dont l'individu tué était porteur ne lui appartenaient en rien, mais étaient au contraire à la disposition de la société. Il s'agit alors d'une perte intolérable, d'autant plus intolérable que l'ennemi aura pris soin d'absorber le principe génétique du vaincu27pour assurer un surcroît de puissance vitale à son propre groupe.

La seule solution est donc de rétablir l'équilibre par une autre guerre, une contre-offensive, un guet-apens, jusqu'à ce que non seulement l'équilibre soit rétabli mais même que le groupe se trouve bénéficiaire, ce qui évidemment engendre la même réaction dans la société ennemie, etc...

Le but de la guerre se devine alors: il s'agit d'accroître la force de vie du groupe, ce qui ne peut se faire qu'en la prenant à un autre groupe28. La démonstration la plus frappante en est celle-ci: un prisonnier est plus précieux qu'une victime.

La constitution de prisonniers peut sembler la négation même de la fonction d'échange de principe vital que nous attribuons à la guerre. Pourtant le sort, et donc le but, du prisonnier n'est pas inintéressant. En effet, celui-ci non seulement est immédiatement intégré dans la société de ses ravisseurs mais en plus, en changeant de nom, il prend la place d'un des membres du clan tué pendant l'affrontement. Ainsi, le groupe récupère la vie qui lui a été prise.

Il la récupère réellement, qu'il ne s'agit pas d'une fiction: le prisonnier prend non seulement l'identité du mort, mais il prend aussi ses fonctions, son totem, ses

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27Par cannibalisme du cerveau, foie ou autres, suivant les croyances
28L'accroissement démographique n'étant pas une solution puisque la force de vie supplémentaire se trouve de factodiluée dans un individu supplémentaire.

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