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"Quelles affections, quel courage ou quels motifs firent autrefois agir
l'homme qui, le premier, approcha de sa bouche une chair meurtrie
(...), servit à sa table des corps morts, et pour ainsi dire des idoles, et
fit sa nourriture de la viande de membres d'animaux qui, peu
auparavant, bêlaient, mugissaient, marchaient et voyaient ? Comment
ses yeux purent-ils souffrir de voir un meurtre? (...) Comment son goût
ne fut-il pas dégoûté d'horreur, quand il en vint à manier l'ordure des
blessures"2
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Folie des vaches, folie des hommes, comment le récit d'une banale
épizootie a-t-elle pu ébranler à ce point les schémas d'une civilisation qui, par ailleurs,
sait être si sûre d'elle-même et de son discours scientifique ?
L'aberration de l'herbivore qui s'alimente de nourriture carnée eut, à grand
renfort médiatique, un beau succès polémique. D'une telle remise en cause de
l'ordonnancement naturel du cosmos, ne pouvait évidemment naître que des
catastrophes. Qu'importe si l'encéphalopathie spongiforme bovine devait son
développement aux désastreuses conditions d'hygiène qui règnent dans les abattoirs
britanniques; la localisation du prion dans les farines suffit à déterminer une
responsabilité.
Ainsi, comme aux temps anciens, les dieux punissaient l'Homme par où il a
péché. C'est de cette même farine dont il fit l'instrument de son arrogance, que vint le
fléau qui cause sa perte. Dans ce contexte, la maladie de Kreuzfeld-Jacob n'est que la
matérialisation de la folie qui habitait l'Homme au moment de se décider à transformer
de paisibles ruminants en cannibales.
La culture occidentale s'est enfermée dans l'illusion rassurante de son
rationalisme mais les schémas d'une pensée primitive déterminent encore ses peurs et
ses réflexes paniques,en matière alimentaire plus qu'en tout autre. Ce sont des
éléments de cette pensée qui se retrouvent ici: les attentats contre l'harmonie du
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