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La doctrine chrétienne se trouve ainsi dans une impasse. Ses textes fondateurs insistent lourdement sur la parabole des azymes60, tandis que l'usage du pain quotidien qui utilise logiquement du pain levé, demande également l'utilisation d'un pain spécifique pour marquer correctement la Cène. Comment, dans ces conditions marquer le caractère particulièrement sacré de l'Eucharistie si ce n'est en ayant recours également à du pain azyme ?

L'utilisation des azymes peut sembler d'une justification aisée: les arguments textuels ne manquent pas et utiliser un symbole de pureté n'est pas extravagant pour signifier la Passion. Cependant, le dilemme du pain eucharistique s'étendît au point de constituer un enjeu important dans la querelle qui opposait Eglise d'Orient et Eglise d'Occident et dont les juifs firent les frais.

Ainsi le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, s'en empara-t-il au XIe Siècle, pour habilement jouer sur les susceptibilités romaines, en accusant ceux d' Occident de "judaïser" gravement. Ses échanges épistolaires avec Rome filent lourdement la métaphore du Christ levain pour condamner la chrétienté romaine et son usage azymite, tandis que seul l'Orient célébrerait chrétiennement la Pâque: c'est à dire avec du pain levé, avec du pain "élevé".

Cette escarmouche, prétexte rêvé pour asseoir la primauté de Cérulaire sur le Pape, s'inscrit dans les difficiles relations entre les deux Eglises et signalait l'imminence du schisme de l'Orient, le Patriarche exploitant la veine juive jusqu'à traiter les romains de demi-païens qui judaïsent de plus belle en maintenant le sabbat et la consommation de viande saignée. La conséquence en Occident fut malheureusement plus importante que celles d'un schisme.

En effet, cette affaire par son point de départ eut sur le christianisme romain une répercussion considérable61. Dans cette mise en accusation par Cérulaire, on peut reconnaître les éléments d'une définition de l' autre par laquelle, et pour une longue période, les chrétiens d'Occident vont stigmatiser les juifs: garder le pain azyme nécessite de multiplier les signes distinctifs.

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60Le "Chassez le vieux levain, devenez des azymes purs"de St. PAUL est repris par T. D'AQUIN Somme théologiqueop.citQuestion 74Article 4
61Au point que Thomas d'AQUIN se sent encore obligé de justifier la position romaine: ibid.

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