1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112

CONCLUSION

Comment est-il possible, en partant d'une étude sur l'alimentation d'en arriver aux transferts d'organe ? C'est que les ruses de la symbolique alimentaire ont une vocation hégémonique : en dernière analyse, toute appropriation, tout contact, toute incorporation relève d'une logique de l'alimentation, seule la forme de l'acte changeant entre la manducation, le toucher, la chirurgie, la sexualité ou encore l'exercice d'un pouvoir.

Bref, elles instituent l'alimentation en paradigme de la violence sur le corps192, rappelant la sacralité inhérente au corporel par le renvoi à la figure de l'anthropophage, comme mise en garde contre la tentation de l'abstraction totale et donc contre cet idéal de l'abstraction que représente la personne juridique.

La personne juridique n'est pas la personne humaine parce que le droit romain a su soustraire les hommes à la sacralité des choses, au travers de laquelle les dieux les asservissaient. Ils ont donc créé un système magique parallèle dont ils pouvaient être les maîtres et dont ils ont bien pris soin d'exclure la gestion des choses sacrées, notamment la plus intime et la plus dérangeante: le corps humain.

Mais la nier dans la gestion juridique n'est pas la faire disparaître de l'ordo humanumpour autant, les cultes populaires montrant que la sacralité du corps continua d'être vivace. Si l'ordre religieux sut la gérer et la contenir comme c'est son but, l'avènement d'une religion éthérée posa le premier jalon d'un hiatus de la société.

Le christianisme dut bien malgré lui gérer cette sacralité sauvage et ne réussissant pas à la vaincre la camoufla sous sa propre liturgie. La religion scientifique qui prit le relais délégua à la section médicale la charge de gérer l'encombrant héritage des sacralités corporelles et refoula lui aussi derrière un imposant camouflage vocabulaire et industriel les aspérités qui offraient prises à une sensibilité du sacré qui ne disparut pourtant jamais de la culture. Quant au droit, il n'intervenait que par son service minimum de réglementation mais refusait de se saisir d'un problème aussi lourdement chargé.

IMAGE imgs/meyer01.gif
192En psychanalyse, l'alimentation participe au premier chef de l'oralité, celle-ci étant le stéréotype de la violence.

103