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L'enjeu du cannibalisme est donc la récupération du principe vital, principe
contenu dans le corps du mangé, indistinctement dans tous ses organes même si une
spécialisation ou plutôt une affectation des organes a lieu. Si le but est la récupération
du principe de vie, l'instrument utilisé est bizarre. Il s'agit d'utiliser une fiction
culturelle, sur laquelle est basée tout le mécanisme des échanges qui font une société,
un instrument para-juridique qui soumet les accidents naturels au contrôle de la culture.
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SECTION 2. MONOPOLE ALIMENTAIRE ET SACRIFICE
Le systèmes des contre-prestations claniques et tribales forme un corpus
d'interdits et d'obligations qui gèrent le rapport du groupe au surnaturel. Le système
s'institue alors en un droit du sacré qui règle le rythme de vie du groupe. Il n'est donc
pas possible de dissocier les deux fonctions du droit sacré: il règle automatiquement la
société civile dès le moment où il règle ses rapports avec le monde surnaturel.
Encore une fois, établir une catégorisation cartésienne revient à réduire un
phénomène qui ne se laisse appréhender que dans sa complexité et dans l'indistinction
dans laquelle sont laissés univers religieux et société civile.
Ainsi lorsque le départ entre les deux univers s'effectue, les droits du sacré
n'englobent plus l'ensemble des activités de la société mais sont cantonnés au seul
domaine des interdits rituels, religieux. Une autre branche du droit prenant alors le
relais pour administrer les activités profanes de la société et donc d'accroître le champ
du profane au détriment de celui du sacré. Tant il est vrai que le droit n'est que question
d'interprétation extensive ou restreinte des notions.
Pourtant, l'émergence d'un droit laïc ne s'est effectué que par démembrement
des droits du sacré. Ce sont les même techniques qu'il applique et les même domaines
qu'il régente. Il est donc inévitable qu'il charrie de nombreuse scories rappelant le
domaine passé des droits du sacré, traces qu'il faut justifier et incorporer dans le
nouveau corpus, certes désacralisé, mais encore empreint du passé.
La puissance d'inertie d'une tradition est toujours forte, qu'on l'appelle ou non
une coutume. Et le législateur qui souhaite influer sur la société n'a que peu de latitudes
et besoin de beaucoup de temps pour imposer sa solution. Et même lorsque la greffe a
prise, il reste beaucoup de scories de ce passé qu'il a voulu amender.
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