1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112

irrémédiablement au serpent de mer de la définition légale du médicament147. Sous l'Ancien-Régime, le problème commença d'être contourné: ne pouvait exercer comme apothicaire que celui qui détenait un "antidotaire".

Au XIXe Siècle, la définition se cristallisa autour de la notion de "poids médicinal" qui apparaît dés la Déclaration de 1777 à l'article 5 et qui connut depuis un succès législatif constant. Cependant le recours à cette notion ne fit que déplacer le problème de la définition du médicament vers celui de la définition du poids médicinal148. A travers l'examen de cette réglementation, il apparaît qu'il s'agit sans doute moins de réserver aux pharmaciens un monopole de vente que de les ériger en fournisseurs officiels et exclusifs des médecins149.

Quoiqu'il en soit, il faut en retenir deux éléments: le premier est que le droit n'intervient sur la question des emplois thérapeutiques de l'aliment que pour protéger le monopole d'une profession, c'est-à-dire qu'il n'exerce qu'une fonction répressive, d'autant plus caractérisée qu'aucune définition positive de l'objet même de la protection (le médicament) n'est élaboré.

Le second élément tient à l'adoption officiel ( à travers le recours à la notion de "poids médicinal") du précepte de Paracelse selon lequel tout médicament est poison et toute poison est médicament, seule change la dose. Autrement dit, il s'agit d'un retour en force du pharmakos , qui rappelle toute l'ambiguïté que recèle le concept d'aliment, cette ambivalence bon / mauvais qui est la marque du sacré, mais d'un sacré incorporé à la légalité scientifique, cette dernière ne se doutant guère de l'encombrant héritage qu'elle endosse à l'occasion de cette absorption.

Cependant, cette opération ne touche que l'univers scientifique à une époque où l'image du scientifique s'exprime encore sur le mode d'un mythe péjoratif: celui du docteur Faust ou celui de l'apprenti sorcier. En attendant qu'un "contre-mythe", celui du progrès scientifique, fasse son effet, c'est peu dire que la crédibilité de la science était encore loin d'avoir pénétrée uniformément toutes les couches de la population, notamment dans les campagnes où continua à se développer le savoir populaire.

IMAGE imgs/meyer01.gif
147A propos de la définition légale du médicament, se reporter à la remarquable étude d'O. LANGLOIS: Pour une histoire juridique du médicamentmémoire de DEA d'histoire de la science juridique européenneUniversité Robert SchumanStrasbourg1998.
148La jurisprudence essaya de pallier au vide législatif et s'accorda sur une définition alternative du médicament en tenant compte de l'emploi curatif du débit, lui-même caractérisé par les circonstances (Cour de Cassation 16.7.1873. Recueil Dalloz 1873, 1, 493), ainsi que de la présentation curative qui en est faite (Cour de Casssation 9.3.1923 J.P. 1923, 594).
149Cette impression est confirmée par le texte de l'instruction ministérielle du 30.1.1943 qui définit le poids médicinal comme " la quantité de produit délivrée habituellement par les pharmaciens sur ordonnance médicale."

87