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Pouvoir et droit dérivent donc par une même logique d'un démembrement du sacré, le premier appelant le second. En effet, le lieu commun qui pose que tout pouvoir est une servitude, recréé une bipolarité dans la société, les deux groupes aux contre- prestations réciproques prenant la forme du chef et de ses sujets, le lien qui les unissant s'appelant le droit.

Le droit prend alors la place du rituel et des droits du sacré pour organiser les règles et l'étiquette qui rappellent l'interdépendance du pouvoir et des sujets. La vertu se trouve alors déplacée: elle ne réside plus dans la libération d'un principe au bénéfice de l'autre groupe mais dans le respect d'un ordre établi, chacun devant impérativement demeurer à sa place, ne pas excéder son lot, nouvelle version de la méfiance envers l' hubris .

Le droit et le pouvoir gardent des traces des droits du sacré dont ils sont tous deux issus. Le droit cherche à les cacher plus ou moins, suivant sa conception dans la société considérée. Le pouvoir quant à lui cherche à encadrer les dernières manifestation d'un sacré qu'il ne peut éradiquer puisqu'il s'appuie sur certains de ses aspects. La relation au surnaturel subsiste donc, mais elle est encadrée et ne s'exprime dans l'univers officiel qu'à travers le monopole fonctionnel du sacrifice.

§2. Du monopole fonctionnel

Le sacrifice est la grande fabrique du sacré ( sacer facere ). Il s'agit d'offrir la propriété d'un bien (homme ou chose) à un dieu, ce qui rend ce même bien sacré. La fonction sacrificielle est connue depuis longtemps dans les sociétés non-étatiques, mais de façon diffuse. Elles n'instituent pas de sacrifice en tant que tel, la pratique se rapprochant le plus d'une telle institutionnalisation étant constituée par l'intichiuma c'est-à-dire par la mise à mort et la dévoration de son propre totem.

Ainsi, même dans les sociétés qui pratiquent le cannibalisme, il s'agit seulement d'un acte rituel, qui certes présente une structure sacrificielle, mais qu'il faut se garder de confondre avec un véritable sacrifice humain. C'est dire que la fonction sacrificielle est mêlée à d'autres fonctions au sein de plusieurs institutions différentes, alors que le sacrifice est une institution en lui-même dont la fonction est précisément d'épuiser seule toute la charge sacrificielle du domaine sacré.

L'institution sacrificielleva de pair avec l'institution politique dont elle représente le complément religieux, gérant les intérêts de la cité dans ses rapports au

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