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solitaire, une aberration. Le vin a une fonction sociale précise et son usage y est aliéné: les valeurs de partage et d'hospitalité sont buts et nécessités impérieuses dans la société grecque. Boire à la petite semaine n'avait aucun sens, il fallait une occasion, une

réunion, dont le modèle le plus achevé est le

symposion .

Les autres boissons n'ont aucun prestige, non plus que les autres psychotropes. Si la bière a peut-être précédée le vin, si les divers sectaires de Dionysos emploient abondamment champignons et hydromel, l'ordre de la Cité n'admet que le vin. Et encore, il faut qu'il soit correctement domestiqué, c'est à dire coupé d'eau , mélangé selon les règles de l'art dans un cratère.

Le vin pur est aussi sûrement signe de barbarie que le vin mêlé est l'apanage de la civilisation. Le vin akratos est un signe d'hubris, laissé aux Centaures, aux Satyres, aux Cyclopes et surtout aux stéréotypes du barbare: les Scythes.

L'usage alimentaire social est complété par une discipline personnelle qui met l'accent sur la retenue et sur le pouvoir de la volonté sur le corps. Il importe de savoir dompter les exigences du ventre et à ce titre savoir ne pas manger est aussi important que de savoir bien manger, les règles étant inverses mais réciproques. En se livrant à l'ascèse, l'homme ne cherche plus à perfectionner son animalité mais à la renier, jusqu'à la suppression.

L'ascétisme est un phénomène essentiellement religieux qui accompagne l'homme à travers toute son histoire. Le refus de la condition incarnée, héroïque dans son essence, est empreinte d'un esprit d'orgueil et de démesure qui l'a souvent fait jugée avec sévérité. La variante grecque du jeûne a cependant moins de parenté avec le mysticisme qu'avec la recherche philosophique.

L' askesis

n'est pas un pur produit de la philosophie grecque, cependant,

comme exercice spirituel d'effort sur soi-même, le problème ne pouvait que préoccuper les philosophes et plus particulièrement les cyniques et les stoïciens. L'idéal étant d'avoir le moins possible de commerce avec le corps et ne pas se laisser contaminer par sa nature.

En cela, la variante grecque met l'accent sur "l'exercice de mort": jeûner pour amorcer une purification et une mortification progressives. Le jeûne grec associe ainsi

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