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corps du Christ, jusqu'à l'intervention d'un voisin qui récupère l'hostie intacte, fait
arrêter et conduire au bûcher le coupable; sa maison est détruite et sur ses décombres on
construit l'église des Carmes Billettes où l'hostie et le couteau sont déposés. Ils
deviennent reliques, l'affaire donne lieu à une procession annuelle et l'histoire devient
geste.
On voit ainsi comment au XIe Siècle, en rompant avec le pain fermenté de la
Pâque, qui dans la chrétienté d'Orient présente l'avantage de bien marquer la frontière
avec le judaïsme, tout en faisant agir la métaphore du Christ levain, le christianisme
romain s'est contraint à d'incessantes manipulations symboliques.
La plus évidente consiste à rappeler sans cesse la sacralité de tout pain et
singulièrement de ce pain quotidien "fermenté" que l'on marque d'une croix avant de
l'enfourner64. D'autres ont maintenu dans les marges de la liturgie des distinctions
signifiantes, comme le fait de manger à Pâques des beignets et des pâtisseries bien
levés, parfois jusqu'à l'excès.
Mais de plus de conséquences sont les questions que l'on se pose à propos de ce
corps sans épaisseur, de cet être diaphane et translucide qu'est la paradoxale hostie dont
on sait qu'elle est chair. Dès lors, le mystère est inséparable de sa mise à l'épreuve.
L'enfant, la femme et toujours le juif, ne peuvent saisir la nature spirituelle du
sacrement. Celui-ci se manifeste donc sous la forme d'une voix d'enfant, de sang,
administrant ainsi la preuve de l'incarnation. Double paradoxe que celui du juif
auxiliaire du dogme de la transsubstantiation, et celui de la preuve de la spiritualité du
sacrement qui s'effectue par la démonstration flagrante de sa signification cannibale.
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La récupération des pratiques païennes constitue le deuxième objectif d'un
prosélytisme chrétien qui par réalisme tente de concilier avec le dogme des pratiques
qu'il n'arrive pas à vaincre. Parmi celles-ci, la plus importante est sans aucun doute le
culte des sources, qui constitue le rite le plus répandu parmi les pratiques païennes ( la
symbolique de l'eau étant très riche), notamment en pays gallo-romain.
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