à une année d'emprisonnementet l 'amende à 100 francs. Napoléon lui-même, qui
par nécessité stratégique encourageait l'invention de denrées de substitution, n'a
pas frappé très fort les falsificateurs et le Code Pénal de 181O, art. 318 dit que
"quiconque aura vendu ou débité des boissons falsifiées contenant des mixtions
nuisibles à la santé sera puni d'un emprisonnement de six jours à deux ans et
d'une amende de 16 à 500 francs." Mais c'est là que commence l'arabesque : le
fraudeur qui mettait du plâtre dans le sel ou de l'albâtre dans la fécule ou de l'eau
dans diverses denrées, pouvait plaider que les substances qu'il employait n'étaient
pas, en elle-mêmes, nuisibles à la santé et qu'il n'avait pas vendu les substances
falsifiées que l'on avait pu saisir chez lui. Il fallait donc, pour inculper un fraudeur,
le prendre sur le fait de vendre une substance rendue dangereuse. L'article 475 du
même code punissait d'une amende de 6 à 10 francs "ceux qui (avaient) vendu des
boissons falsifiées", c'est à dire les simples vendeurs qui ne fabriquaient pas. Là
encore la saisie des boissons délictueuses ne suffisait pas, le falsificateur pouvait
toujours alléguer qu'il ne les avait pas vendues.
La loi du 27 mars 1851 rendit les falsificateurs, les corrupteurs et les tricheurs
sur le poids des marchandises passibles de l'article 423 du Code Pénal ainsi conçu :
"Quiconque aura trompé l'acheteur sur le titre des matières d'or et d'argent, sur la
qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature de toutes
marchandises, quiconque par usage de faux poids, (...), sera puni de
l'emprisonnement pendant trois mois au moins et un an au plus, et d'une amende
qui pourra égaler le quart des restitutions" et elle aggrava fortement les amendes et
l'emprisonnement si les falsifications étaient nuisibles à la santé. Mais surtout elle
punissait les détenteurs de ces marchandises ou d'appareils de pesage inexacts. La
destruction des marchandises nuisibles et la publication du jugement dans les
journaux, très préjudiciable au commerce, devait se faire aux frais du condamné.
Conçu pour moraliser le commerce et garantir au mieux la santé publique 370,
cet ensemble législatif va réaliser au milieu du siècle une véritable césure dans la
nature des falsifications. Le petit fraudeur sympathique qui recolorait du thé tombé
dans la mer ou récupéré dans des restaurants 371va laisser la place à de véritables
professionnels possédant des capitaux et qui pousseront le cynisme jusqu'à faire de
la réclame pour leurs dangereuses préparations car la loi ne punissait que les
vendeurs et non les fraudeurs fabricants.
La loi du 9 mars 1855 qui déclara applicable aux boissons les dispositions de la
loi du 27 mars 1851 ; la loi du 23 juin 1857 qui fit un délit spécial de la tromperie
sur la nature de la marchandise à l'aide d'une marque mensongère ; le Code de
justice militaire du 9 juin 1857 et celui de la justice maritime du 4 juin 1858 qui
permirent les poursuites contre ceux, nombreux, qui faisaient distribution de
substances falsifiées ou corrompues aux troupes, tout cet ensemble législatif servit
à spécifier au mieux le délit et à le punir.
Alors comment expliquer la progression industrielle de lafraude ? Le côté
pratique avait été entièrement négligé et les mesures d'inspection qui auraient dû
l'accompagner n'avaient pas été prises pour ne pas déranger le système archaïque
(dégustateur) mis en place. Et les hygiénistes de se lamenter : "Quand il s'agit des
poids et des mesures, il n'est entré dans l'idée de personne d'en abandonner la
vérification à la police municipale ; on a compris qu'il fallait désigner des agents
spéciaux, munis de pouvoirs assez étendus pour assurer l'efficacité du
contrôle." 372L'inspection des substances alimentaires avait été laissée dans les
370C'était un souci largement pris en compte depuis 1848 (date de la création des Conseils
d'hygiène et de salubrité dans toutes les divisions administratives).
371A. CHEVALLIER, (pétition), op. cit., p. 462.
372Dr. HOGG, "Organisation de l'inspection des substances alimentaires", HPML, V, (1881),
p. 528.
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