d'Hunyadi-Janos au détail, au verre ou au demi-verre. ²⁷⁵De toutes façons, les
très grandes difficultés techniques rencontrées pour conserver aux eaux minérales
embouteillées leurs propriétés originelles, compliquaient énormément
l'établissement et l'application de normes rigoureuses. Les progrès scientifiques
dans le conditionnement et le traitement de l'eau minérale vouaient les exploitations
à une instabilité technique chronique difficilement conciliable avec des assises
administratives rigides. Les impératifs économiques étaient en outre si
contraignants, qu'aucun pays en dehors de la France ²⁷⁶n'avait encore osé édicter
des mesures légales à ce sujet en 1903. ²⁷⁷Là encore, les mesures seront prises
surtout en vertu du péril bactériologique encouru et non vraiment dans un souci de
garantie d'authenticité qui viendra comme pour le vin beaucoup plus tard.

En attendant, de véritables usines d'eaux minérales prospéraient partout et les
prélèvements chez les restaurateurs, autorisés seulement sur un quart de litre à partir
de 1907 ²⁷⁸, révélèrent des affaires grandioses où les plus grandes maisons
parisiennes étaient impliquées :"Profitant de ce que leur clientèle s'en laisse imposer
par la cherté des prix et par la notoriété des établissements, au point de ne pas
exiger l'ouverture de la bouteille en sa présence, ces maisons pratiquaient la fraude
de façon éhontée." ²⁷⁹Pourtant le Service de la répression des fraudes, clinquant
neuf, avait pris les précautions d'usage avec l'univers commercial et "afin de ne
pas inquiéter inutilement les détaillants" ²⁸⁰, il avait commencé par pister les
commerçants en gros chez qui les relevés de compteurs d'eau ou le stockage
abondant de bicarbonate de soude, de bouchons, d'étiquettes et de capsules Vittel,
Evian ou Contrexéville, dénonçaient et l'activité frauduleuse et l'envergure des
profits. Certains, plus finauds, précisaient en lettres minuscules sur leurs étiquettes
la mention "synthétique" mais la saison était dure pour les ennemis de l'hygiène au
tournant du siècle. Toutes les affaires transmises au Parquet par le Service étaient
suivies et même si les sanctions pécuniaires étaient alors insignifiantes et la sanction
morale quasiment nulle ²⁸¹, latentation n'était alors plus aussi forte chez les
fraudeurs.

Aussi simples et attirants que les fraudes sur les liquides, les mélanges de
poudres, même s'ils sont parfois détonnants, remplissent les Annales des
falsifications. Les aliments de première nécessité comme le pain sont soumis à un
contrôle sévère à tous les niveaux, qui révèle l'ampleur des infractions et laisse
augurer de ce qui doit se produire sur des denrées moins politiques.

En toile de fond, règne l'image du boulanger, parangon du voleur même quand
il est honnête homme: "on ne croit pas à la probité du boulanger, et il a toujours été
représenté comme faisant de la fraude ; il est extraordinaire que lorsque l'émeute
grondait dans les rues, les boulangers n'aient pas été victimes d'une réputation que

275_{H.MOISSAN (professeur à l'école de pharmacie et membre de l'Institut) et L. GRIMBERT}
(pharmacien des hôpitaux), "Etude des eaux dites de Seltz et de quelques eaux minérales", HPML,
XXXI, (1894), p. 491.
276_{Le pilier normatif français en la matière est la loi du 14 juillet 1856 qui institue un régime de}
protection spéciale des sources minérales, complétée par de nombreux décrets.
277_{P. BOULOUMIE, Rapport sur les mesures légales à prendre pour sauvegarder}
l'exploitation des eaux thermales et minérales, Congrès international d'hydrologie, de
climatologie et de géologie, 6ème session, Grenoble, (1902).
278_{Autorisations faisant suite à la grande loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes.}
279_{Extrait du rapport du budget du ministère de l'agriculture de 1910, rapporté dans HPML, XIII,}
(1910), p. 156.
280_{Id.,p. 157.}
281_{La récente affaire des eaux Perrier polluées peut faire mesurer le chemin parcouru en ce}
domaine en un petit siècle.

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