superficiellement, la qualité des denrées vendues dans leur département, ils arrivent
aux mêmes conclusions : les produits falsifiés, nombreux, universellement
répandus, mais surtout dans les campagnes, et la répression nulle." 312
Or les intoxications lentes, clandestines, qui aggravent l'état des
consommateurs de jour en jour, sans jamais éclater, longuement observées dans les
maladies professionnelles dont beaucoup se signalent par des coliquesalors que le
corps est déjà sursaturé, on commence à les distinguer aussi dans la pathologie
alimentaire.
De très grands médecins (A. Gautier, Tarnier, Monteuuis) accusent d'abord les
révolutions alimentaires des plus grands troubles. Ainsi Monteuuis dit-il que le pain
blanc a affaibli les Européens. "Nombre de médecins de campagne et de petites
villes, affirment qu'ils ont vu l'alcoolisme pénétrer partout à la suite du pain
blanc."313D'autres accusent la pomme de terre, par son déficit en matière azotée et
en phosphore, d'avoir favorisé le développement fulgurant de la tuberculose. Du
tubercule à la tuberculose le pas symbolique était tentant.
Les docteurs Dujardin-Beaumetz et Audigé ont démontré "jusqu'à
l'évidence" 314l'empoisonnement qu'a constitué le remplacement de l'eau de vie
naturelle dans le vinage, par l'alcool de betterave et certains assurent que "les délits
et les crimes qui résultent de l'abus des boissons alcooliques sont en rapport direct
avec l'usage des alcools autres que l'alcool de vin". 315
Des expériences faites sur des chiens avec de l'alcool de vin, de betterave, et de
maïs démontrent en effet les ravages opérés par les deux derniers 316. Les
accidents épileptiques de l'alcoolisme aigu, observés en Ecosse et en Irlande et
qu'on ne retrouve que chez les buveurs d'absinthe, de bitter et de vermouth
français, s'expliquent enfin. Les paysans et ouvriers qui boivent les alcools de
grains boivent aussi à un prix défiant toute concurrence, les résidus des alcools
après distillation. 317Pour un sou, ils avalent de grands verres où le furfurol
(aldéhyde pyromucique), obtenu par l'action de l'acide sulfurique étendu sur la
farine d'avoine ou sur le son, ou par l'action de l'acide sulfurique sur un mélange
de sucre ou d'amidon avec du bioxyde de manganèse, abonde et détermine des
troubles épileptiformes. Les terribles ravages de l'absinthe sont plus connus car ils
ont fait beaucoup de victimes chez des gens célèbres mais on ignore généralement
que sa toxicité était encore aggravée par les nombreuses falsifications dont elle était
l'objet. 318
Un rhum de la Jamaïque analysé par G. Pouchet (un très grand spécialiste)
révèle cette composition surprenante qui évoque un mélange de ramassis de
cornues: alcools méthylique, isopropylique, allylique, amylique, aldéhydes (acétal,
méthytal, acétone), produits aromatiques du groupe des camphres, le tout titrant
312Dr. HOGG, "De l'organisation de l'inspection des subsistances alimentaires", RHPS,III,
(1881), p. 432.
313Dr. M. MARTIAL, op. cit., p. 526.
"Le Dr. Barbier incline à penser que la substitution des pommes de terre, pauvres en matière azotée
et en phophore, aux grains, haricots, lentilles, etc., a déterminé une déminéralisation évidente, une
prédisposition morbide expliquant partiellement les progrès de la tuberculose." P. DIFFLOTH
(ingénieur agronome), "Comment on se nourrit aujourd'hui", HPML, III, (1905), p. 11.
314HOGG, id., p. 433.
315Ibid.
316MAGNAN et LABORDE, "Toxicité des alcools dits supérieurs et des bouquets artificiels",
S.M.P., séance du 27 juillet 1887, HPML, XVIII, (1887), p. 346.
317Joliment appelés produits de tête et de queue.
318Certaines liqueurs d'absinthe contenaient du salicylate de méthyle qui produisait des accidents
convulsifs différents de l 'épilepsie mais proches.
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