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quartier et en remettait une 355à deux dégustateurs qui les faisaient transmettre au
Parquet s'ils les estimaient falsifiées. Le Tribunal correctionnel, s'il le jugeait
necessaire, faisait alors examiner le vin par un expert chimiste. Devant les progrès
de la falsification la nécessité de s'armer de chimistes à la place de dégustateurs
poussa certaines municipalités à créer non seulement des laboratoires mais des
Bureaux d'hygiène. A l'imitation de Turin, Bruxelles et de force villes américaines,
ces commissariats de la science centralisaient toutes les questions d'hygiène
arrachées des mains des notables pour les remettre à des professionnels. Ceux du
Havre 
356, Nancy, Reims, Rouen, Saint-Etienne, Amiens, Pau, Nice, Toulouse,
Grenoble, Besançon, Lyon, Bordeaux nourrissaient d'articles les revues
d'hygiène.

Dès 1883, la nécessité d'unifier les vues et les méthodes pour éviter qu'un
produit jugé falsifié à Paris ne soit déclaré marchand dans un département
voisin 
357, fut à l'origine de la création du Comité consultatif des laboratoires
municipaux et départementaux, rattaché au ministère du Commerce. Dans son sein,
Pasteur et Brouardel, déjà membres du Comité consultatif d'hygiène publique de
France. Ce comité va non seulement harmoniser les actions en cours mais aussi
rationaliser la création des futurs laboratoires. C'est que devant l'énormité des
fraudes découvertes, chacun considérait ces institutions comme indispensables.
D'ailleurs l'Angleterre, qui avait été la première à créer des bureaux d'expertise et
d'analyse chimique des substances alimentaires (Sale of Food and Drogs Act), en
1872, avait constaté une notable diminution des fraudes depuis l'instauration de
cette police scientifique : en 1872, 65 pour 100 ; en 1876, 26 pour 100 ; en 1877,
18,1 pour 100 ; en 1878, 16,58 pour 100
358.

La création obligatoire des bureaux d'hygiène dans les villes de 20 000
habitants et au-dessus fut instituée en France par la grande loi sanitaire de 1902 qui
sanctionnait ainsi la brillante réussite des bureaux antérieurs mais se souciait
davantage de prévenir les maladies transmissibles. Et pour cette raison, la loi de
1905 sur la répression des fraudes qui instituait un nouvel appareil répressifet
utilisait pour la première fois la collaboration directe des intéressés, opéra une
distinction technique entre les services de santé, distinction qui allait dans le sens le
plus poussé d'une spécialisation et d'une harmonisation dans la détection des
menaces de la science du mal.

Un mécanisme d'Etat supplanta alors les diverses organisations municipales et
notamment dans ce qu'il y avait de plus urgent : l'organisation de la recherche des
fraudes.

Un premier règlement (31 juillet 1906), qui concernait bien entendu les
boissons
359, les denrées et les produits agricoles attribua à l'Etat, avec le concours
éventuel des départements et des communes, le soin d'organiser le service "chargé
de rechercher et de constater les infractions à la loi du 1er août 1905". IL est devenu
la procédure-type en matière de fraude. Les préfets instituèrent donc les Services
de la répression des fraudes
dans chaque département. Ils dépendaient du ministre

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355L'autre, qui était cachetée, restait comme témoin.
356Le premier Bureau d'hygiène a été créé le 18 mars 1879 au Havre sous l'instigation de son
maire Jules SIEGFRIED.
357Ceci n'était pas une fiction théorique, voir par exemple : CHEVALLIER, "De la vente des
sucreries coloriées et de divers autres substances et des dangers qu'elle présente.", HPML, XXVII,
(1867), p. 347.
358E. VALLIN, "Examen des denrées alimentaires", tome inaugural de la RHPS, (1879), p. 520.
359Suite au phylloxéra qui toucha dès 1885 soixante et un départements, la reconstitution
massive des vignobles avait abouti vers 1900 à une surproduction, suivie d'une mévente qui fit
régner une misère sans pareille sur les pays vinicoles. Les révoltes de1907 dans le Midi de la
France se heurtèrent aux troupes de Clémenceau. La classe complexe des vignerons, à la fois
agriculteurs et industriels, était donc à cette époque, à vif, et réclamait des mesures au législateur.

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