1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30

quelques uns peuvent mériter, mais qui ne doit pas porter sur le grand
nombre." 
282

Les farines sont mêlées aux produits les plus divers qui vont de l'inoffensive
fécule de pomme de terre à la surréaliste poudre d'albâtre récupérée chez des
fabricants de pendules. Pour la fabrication du pain, tout se complique
chimiquement parlant : le pain est en effet taxé sur une base déterminée par l'emploi
de farines pures. Alors tout l'art de la fraude va consister à trouver des procédés qui
permettront de faire rendre, à une même quantité de farine, une production
supérieure en pain. C'est ainsi que le sulfate de cuivre et de zinc ont été longtemps
employés (à tort) dans l'espoir d'un rendement amélioré. Mais la fraude la plus
commune vient de l'eau qui ne coûte pas cher et fait son poids. De temps
immémorial, on faisait bouillir les sons avec de l'eau dans certaines régions et on se
servait de cette eau filtrée, pour panifier les farines et obtenir ainsi plus de pain. La
méthode préconisée par de la Tutais en 1770 avait été reprise par Parmentier en
1789 puis en 1883 par le docteur Herpin. C'est que le procédé, utile en temps de
disette, était toujours à l'étude et préoccupait notamment les militaires. 
283

Produit largement utilisé à la fois comme aliment et comme matière
conservatrice, le sel a toujours subi, lui aussi, une fraude intense. En 1833, un
délégué du Conseil de salubrité envoya 75 rapports sur le sel vendu à Paris au
préfet de la Seine. 3023 échantillons ont été prélevés alors que les marchands
fournisseurs étaient avertis et malgré toutes les précautions prises par les fraudeurs
on trouva encore 10 % de falsifications dans les analyses.

Un récit de chirurgien de bord anglais relate le fait suivant, parabole de toutes
les fraudes, observé sur les côtes de Guinée : "Entre autres marchandises portées
par les vaisseaux anglais qui font le commerce de la côte de Guinée, on a soin
d'embarquer une assez grande quantité de sel ordinaire, que les natifs recherchent
avec une grande avidité, tant pour leur usage que pour le revendre à leurs
compatriotes de l'intérieur. Ils sont cependant bien loin de le leur livrer dans le
même état qu'ils le reçoivent des Européens. Ces hommes ont découvert, non loin
de la côte, un marais dont l'eau est salée ; mais dans l'impossibilité, par défaut de
connaissance, d'en extraire le sel, ils mêlent une partie de la terre de marais, terre
imprégnée de sel et préalablement desséchée, avec le sel d'Europe, ce qui donne à
ce mélange une couleur brunâtre ; ils embarquent ce produit sur des canots, et
remontent les rivières jusqu'à ce qu'ils aient trouvé des villages à l'intérieur des
terres, où ils font un échange de leur sel falsifié contre des esclaves, des dents
d'éléphants et autres objets. Il est bon de faire observer ici que les indigènes qui
font ce trafic, ont grand soin de ne pas falsifier le sel qu'ils conservent pour leur
propre usage." 
284
Même les peuples peu civilisés fraudent, c'est dire...

Il est des cas pourtant où la poudre adultère n'est qu'un passage vers un état re-
naturalisé qui subjugue et fait évaporer toute suspicion. Ainsi, le café, dont on a
déjà vu l'ampleur de la fraude quand il est moulu, était parfois créé tout à fait
artificiellement et sous forme de grains parfaits produits par des machines qui
pouvaient en fournir 10 à 12 quintaux par jour. En Allemagne, cette fraude s'étalait


IMAGE Imgs/guilbert-th-1.2.401.gif

282A. CHEVALLIER, "Pétition adressée aux chambres sur les adultérations et les falsifications
des substances alimentaires", HPML, XXXII, (1844), p. 456.
283Voir A. BALLAND (pharmacien principal de l'armée, membre de l'Académie de médecine),
"Les falsifications du pain", Revue scientifique, 2ème série, (1908), p. 650.
284A. CHEVALLIER, "Essai sur les falsifications qu'on fait subir au sel marin...", HPML, VIII,
(1832), p. 287.

123