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augmente le prix de revient de la bière. Remplacé par des succédanés bon
marché 
303, la bière obtenue est sujette aux pires maladies : amertume, acidité,
tourne etc... aussi les apprentis sorciers de la chimie vont-ils réparer cette fragilité
en ajoutant au liquide de l'acide salicylique oude l'acide borique, de l'acide
sulfureux, des sulfites et bisulfites de potasse et de soude, des fluoborates etc...
Produits que les marchands de bière, de vin et de cidre français, pour ne citer
qu'eux, connaissent bien. Résultat d'une série de tolérances que toute l'Europe
pratique, les accidents gravissimes de la bière arsénicale sont attribués "au
développement considérable d'une certaine catégorie de brasseurs, qui ont envahi
rapidement le marché, jusqu'au jour où par suite de la concurrence sans frein, toute
une population s'est trouvée empoisonnée, et un trouble profond jeté dans le
commerce de la brasserie honnête." 
304

En 1913 encore, une affaire curieuse touche la Suède. Un bâtiment
administratif récemment repeint au blanc de zinc (produit contenant souvent de
l'arsenic) fabriqué par les Belges, voit tous ses occupants victimes d'indispositions
que les hygiénistes belges vont attribuer à la psychose des pays nordiques face à
l'arsenic. Il est vrai que là-bas, les miroirs d'arsenicqui permettent de faire un
auto-diagnostic des intoxications sont répandus. Or, "qui n'aperçoit la puissance
suggestive qu'exerce cet anneau miroitant sur des personnes chez lesquelles tout
concourt à entretenir un tel état d'esprit : les affirmations de certificats médicaux, les
violentes campagnes de presse etc...?" 
305

A cette époque l'arsenic était devenu d'usage courant en agriculture. Son
emploi avait été préconisé, dès 1888 en France pour protéger les cultures de
pommes de terre et les vergers. Pour soutenir la concurrence américaine qui
l'utilisait depuis 1840 on avait même essayé d'obtenir un aménagement de
l'Ordonnance de 1846, ordonnance suscitée par la célèbre affaire Lafarge qui en
réglementait strictement le commerce et compliquait son obtention. Pourtant,
beaucoup de poisons et notamment le phosphore, à la portée de toutes les mains
criminelles sous la forme d'allumettes chimiques
306, l'avaient depuis détrôné.
Mais imaginons un instant ces malheureux Suédois obligés d'importer leurs vins et
même leurs papiers peints aux couleurs à la mode, c'est à dire en vert de
Schweinfurt, le terrible vert arsénical qui, lui, fit réellement des victimes 
307.
Devant le moindre malaise, ils accusaient les produits venus du Sud et leur
psychose conjuguait en fait les craintes les plus justifiées à un nationalisme si
ombrageux qu'ils avaient d'abord repoussé la commission d'enquête envoyée par la
société de peinture belge.


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303Ecorce de saule, écorce de pin, quassia, noix vomique, lactucarium, acide picrique par exemple.
Or le houblon possède naturellement des propriétés antiseptiques (mises en évidence par les travaux
de Haydrick-Bungener) qu'il faut compenser chimiquement.
304Dr. F. BORDAS (sous-directeur du laboratoire municipal de chimie), "Intoxications dues à
l'ingestion de bières arsénicales en Grande Bretagne", HPML, XLVI, p. 138.
305Dr. F. HENRIJEAN (professeur à la faculté de médecine de Liège) avec collaboration des Dr
HONORE (médecin hygiéniste, chargé du cours d'hygiène à l'Ecole Normale), SCHOOFS (docteur
spécial en hygiène, chef des travaux à l'Institut d'Hygiène de l'Université de Liège) et
WAUCOMONT (assistant), "Recherches sur une prétendue intoxication arsénicale collective en
Suède", RHPS, XXXV, (1913), p. 565.
306Ce poison, longtemps indécelable, se substituera immédiatement à l'arsenic à la tête des
moyens d'empoisonnement, dès l'ordonnance de 1846. voir A. CHEVALLIER, "Mémoire sur les
allumettes chimiques", HPML, XV, p. 257 et A. TARDIEU, "Etude hygiénique et médico-légale
sur la fabrication et l'emploi des allumettes chimiques", HPML, VI, (1856).
307Il fait littéralement fureur à partir de 1856 et pendant tout le demi-siècle suivant on va
retrouver partout ce vert émeraude très brillant. voir notamment (les articles sont très nombreux
dans les revues d'hygiène) Z. ROUSSIN, "Double empoisonnement par le vert de Schweinfurt.
Nouvelles expériences relatives à l'absorption cutanée", (l'auteur expérimente sur lui-même à la
façon de PARENT-DUCHATELET), HPML, XXVIII, (1867), p. 179. et "Mémoires sur les
accidents produits par les verts arsenicaux", HPML, XII, (1859), p. 340.

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