entre 82 et 88º. Les chiens qui en ont absorbé ont connu, avec l'ivresse, une
parésie 319du train postérieur, des mouvements convulsifs, une attaque
épileptiforme, des troubles respiratoires, etc...
Comme les chasseurs actuels qui se déclarent protecteurs de la nature, les
brouille-vins se considéraient depuis longtemps comme les bienfaiteurs de
l'humanité. Ainsi le sieur Serane qui avait déposé un brevet en 1839 sur une soi-
disant Nouvelle méthode de vinification(qui n'était autre que l'antique plâtrage
dont il favorisa par là-même la diffusion) et dont le grand Chevallier écrivait : "Son
but, en créant et en cherchant à répandre sa méthode, était, disait-il, moins un objet
de lucre particulier pour lui qu'un objet d'utilité générale, puisque son application
contribuerait à accroître la richesse des grands propriétaires, en améliorant par son
emploi le sort de la classe moyenne."320Ce procédé se répandit dans tout le
vignoble du Midi et la question de savoir s'il était nuisible ou non à la santé,
indiscutablement positive pour le Comité consultatif d'hygiène de France et
l'Académie de médecine, n'a pas trouvé de solution légale en raison de sa grande
nécessité économique. On s'est contenté d'en limiter les doses et pour redonner à
des vins la bonne teneur en plâtre, on les déplâtrait au tartrate de strontiane et la fin
du XIXème siècle verra les hygiénistes lutter à la fois contre le plâtrage et le
déplâtrage des vins.
Or, tout de suite, les inconvénients du vin plâtré ont frappé les médecins : "les
cas de maladie, de dyspepsie, de troubles intestinaux causés par l'usage de ce vin
(sont) devenus très nombreux." 321
Dans la bataille entre hygiénistes et producteurs, Pline dont les uns et les autres
ne citent qu'un fragment : "L'Afrique adoucissait l'âpreté de ses vins avec du plâtre
ou de la chaux, la Grèce relevait la douceur des siens avec de l'argile, du marbre,
du sel ou de l'eau de mer" 322que les autres complètent : "Quant aux vins traités
par le marbre, le plâtre ou la chaux, quel est l'homme, même robuste, qui ne les
redouterait ?" 323, Pline donc, remplit pour les uns et les autres le rôle de caution
scientifique que jouent encore les Anciens au XIXème siècle.
Pendant ce temps une épidémie de diarrhée frappe un établissement de sourds-
muets de la Loire-Inférieure où l'on servait du vin plâtré à 4 g par litre 324. Les
producteurs qui jettent leur sulfate de chaux (plâtre) à la pelle et à vue de nez
prétendent qu'ils ne savent pas doser et demandent à l'Académie de médecine de
leur indiquer comment faire. Mais celle-ci leur fait savoir qu'"elle n'est point une
école de technologie ou d'agriculture, et se refuse à donner une telle
consultation" 325. Pourquoi n'apprendraient-ils pas la gypsométrie ? Dans
l'industrie, même des non chimistes dosent des ingrédients par l'alcalimétrie et la
chlorimétrie. Ils "s'y refusent par je ne sais quel amour-propre professionnel, en
disant qu'il font du vin et non de la chimie" 326.
En fait, ce dont il s'agit, c'est qu'en matière alimentaire on n'oblige encore
personne à être savant, si bien que ceux qui utilisent à l'occasion la chimie pour
augmenter leurs profits, se refusent à devenir officiellement ce qui les discrédite
déjà aux yeux du public, des chimistes invétérés. Alors ces produits qui font, au
319Affaiblissement de la contractibilité musculaire (paralysie légère).
320A. CHEVALLIER, "Des vins plâtrés" HPML, XLV, (1876), p. 124.
321M. MARTY et RICHARD en ont donné une bibliographie très détaillée, cf.E. VALLIN,
"Plâtrage et phosphatage des vins", RHPS, X, (1880), p. 651.
322InVALLIN, op. cit., p 650.
323Id.
324Ibid., p. 654.
325Ibid.
326Ibid.,p. 656.
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