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un seul, pris chez un commerçant qui venait d'ouvrir boutique, contenait la dose
normale de beurre. Mais ces allongements inconsidérés de liquide n'effrayaient pas
vraiment et il fallut attendre l'ère pastorienne pour faire craindre les manipulations
sur les aliments naturels et voir se développer une inspection attentive à lutter
notamment contre la tuberculose.

Matière à fraude antédiluvienne, le vin occupe depuis des siècles le pinacle des
techniques falsificatrices. Chez les Grecs anciens, l'institution d'un contrôleur
général des vins avait espéré parer à l'ingéniosité des disciples du célèbre Canthare,
capable, disait-on déjà, de transformer l'eau en vin. Falsifiés dès la cuve, les vins
des riches Romains étaient, si l'on en croit Pline, dépassés en frelatage par les vins
de Marseille teints à l'aloès. Bien plus dangereux que les mouilleurs candides du
lait, les maquilleurs de vins se font fort d'utiliser les progrès des arts chimiques :
"La litharge, les sulfates de fer et de zinc, l'alun, l'acide sulfurique, l'acide
tannique, le chlorure de sodium, les glucoses, le plâtre, la craie, la soude, la
potasse, telles sont, dans la foule, quelques unes des substances qui s'introduisent
traîtreusement dans le jus de la treille ; si l'on ajoute que l'arsenic lui-même a été
employé pour épaissir les liqueurs et réaliser ainsi des économies de sucre, on aura
le droit de se demander pourquoi on n'attribue pas exclusivement aux pharmaciens
le débit des boissons qui ont subi de semblables préparations." 
267

Au XIXème siècle, la généralisation de sa consommation 268multiplia pour la
France, pays spontanément vinicole, la production pour les besoins intérieurs et
pour l'exportation. La fraude se développa au même rythme car bien souvent, le
processus normal du travail des vins entraînait une cascade d'opérations
correctrices qui faisait alors du vin un véritable produit chimique. Ainsi le coupage,
procédé licite qui consiste à mélanger des vins pour corriger leurs défauts
réciproques, pouvait ouvrir la voie à toutes les infractions : "Lorsqu'on a sous la
main ces gros vins de Provence, d'Espagne et d'Italie, si corsés qu'on leur donne,
dans le commerce, le nom de vins de trois couleurs, il est difficile de résister à la
tentation d'y mettre de l'eau (mouillage), de relever le mélange par un peu d'alcool
(vinage), de là au plâtrage (sulfate de chaux pour vivifier la couleur), au salicylage
(pour conserver) il n'y a qu'un pas." 
269L'association des adultérants est très
courante dans la pratique et les fabricants sont souvent si acharnés à conserver leurs
méthodes qu'ils ne veulent rien savoir des dangers qu'ils font courir aux
consommateurs.

C'est à propos de l'acide salicylique qu'ont eu lieu les combats les plus âpres
entre hygiénistes et fabricants. Le Comité Consultatif d'Hygiène cinq fois consulté
par le ministre du Commerce en 1881, ridiculisé par la justice, avait vu son avis
cinq fois négatif confirmé par l'Académie de médecine et son interdiction maintenue
et répétée.

Les vignobles français, ravagés successivement par l'oïdium, le phylloxéra
puis le mildiou avaient laissé ouverts des chemins à des importations de qualité
douteuse : " de gros vins salicylés et vinés avec de mauvais alcool allemands,
jusqu'à la limite de 16 pour 100. Une fois introduits, on les mouillait de façon à
faire deux barriques d'une seule, on les salicylait de nouveau, on les coloriait avec
de la fuchsine, on y mettait un bouquet artificiel, puis on livrait au consommateur
ces dangereuses boissons." 
270


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267NEYREMAND, op. cit., p. 516.
268Considéré longtemps comme une boisson hygiénique car c'est un aliment respiratoire, il
suppléera en grande partie aux besoins caloriques des classes laborieuses.
269J. ROCHARD, Traité d'hygiène publique et privée, Paris , Drouin, (1897), p. 699. (c'est
nous qui incluons les parenthèses).
270Id., p. 701.

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