commerce, recommanda-t-il de faire désormais ces opérations à l'étain fin.
Aussitôt, la chambre syndicale des ouvriers boîtiers de Nantes écrivit une pétition
où elle avouait implicitement que, pour soutenir la concurrence, elle devait se livrer
à bien d'autres fraudes répréhensibles ! Malgré l'importance de la pression, une
circulaire "dans laquelle on s'était efforcé de tenir un compte équitable des
nécessités de l'hygiène et des intérêts des fabricants" 206, demanda aux préfets de
prohiber l'usage du plomb dans la fabrication des boîtes qui, dépassant leur
destination première, servaient "à une foule d'usages dans un certain nombre de
ménages" 207. Mais la mauvaise volonté que montraient les fabricants pour
comprendre l'effet insidieux et souvent méconnu du plomb dans l'économie
humaine, fit que de délai en délai accordé, l'interdiction ne fut exécutoire qu'en
1891 (soit 12 ans après l'ordonnance de 1879). Encore fallut-il définir ce que l'on
entendait par étain fin et préciser en 1894 que les soudures intérieures ne devaient
jamais contenir plus de 1/1000e de plomb. En 1908 encore, on peut trouver un
arrêté ministériel qui interdit la vente de boîtes peintes ou vernies avec des couleurs
plombiques 208. Face à cette marée saturnine, les procédés de contrôle et de dosage
du plomb des conserves durent se répandre et se simplifier. C'est ainsi que le
Professeur Carles de la faculté de médecine de Bordeaux, ville où l'industrie des
conserves était très ancienne, inventa un moyen applicable par un simple
pharmacien possédant un bec Bunsen à défaut de moufle et une pile Leclanché 209.
Exactement contemporaine, la lutte des savants contre le reverdissage des
légumes au cuivre suivit, dès 1860, le même parcours que pour le plomb. Pasteur
lui-même analysa en 1877 dix boîtes de petits pois, dans lesquelles il découvrit du
cuivre. Les 9/10e des fabricants, pour répondre à la demande des consommateurs,
faisaient alors tremper leurs légumes dans un bain de sulfite de cuivre très étendu au
moment de la cuisson. Après rinçage, l'appertisation suivait un cours plus ou
moins long dans une marmite de Papin. Le goût du vert était si vif, que si le
fabricant ne pratiquait pas le reverdissage, le cuisinier s'en chargeait, soit avec du
cuivre, soit avec de la laque de chlorophylle 210, ou d'autres produits plus ou
moins performants.
Autorisé à l'étranger, le reverdissage des conserves menaçait les exportations
françaises et les fabricants de regimber devant les propositions de Pasteur qui
demandait un étiquetage honnête de la conserve ainsi traitée (en 1879). En 1880, un
dosage limite fut réclamé au Comité consultatif d'hygiène publique, mais le non
respect de cette tolérante mesure fit revenir à l'interdiction primitive de 1860 211,
mettant fin à plus de vingt années de vagabondage normatif.
Pourtant, la santé des ouvriers qui travaillaient le cuivre inquiétait depuis
longtemps les hygiénistes : "Ces ouvriers sont comme saturés de cuivre ; leurs
cheveux se teignent en vert, leurs urines en contiennent 212. Mais la colique du


206 CCHPF in HPML, XXV, (1891), p. 144.
207 Id., p. 145.
208 LECLERC de PULLIGNY, "Interdiction des boîtes de conserve peintes ou vernies à l'aide de
couleurs à base de plomb", HPML, XX, (1908), p. 453.
209 Cf. Dr. P. CARLES, "Recherche et dosage du plomb dans les fers blancs et les conserves
alimentaires", HPML, XL, (1898), p. 272 - L'électrolyse à froid fait que le métal se dépose à l'état
de bioxyde et que le dosage doublé de quelques autres précautions chimiques sur lesquelles nous ne
pouvons pas nous étendre, est (pour un pharmacien), l'enfance de l'art.
210 Procédé abandonné dans l'industrie, car les boîtes ainsi reverdies explosaient dans les
magasins.
211 Arrêté du Ministre du Commerce du 20/12/1860.
212 A. GAUTIER (professeur à la.faculté de médecine de Paris), "Des conserves alimentaires
reverdies au cuivre. Nouvelle méthode pour la recherche de métaux toxiques", HPML, I, (1879),
p. 19. Voir également : CHEVALLIER, "Note sur la santé des ouvriers qui travaillent le cuivre"
(HPML, 1843), "Note sur les ouvriers qui travaillent le vert de gris" (HPML, XXXVII, 1847,
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