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L'importance du vin compense le manque calorique et la quantité qui aurait été
jugée raisonnable au début du XIXème siècle ne l'est plus en 1905. Cet ex-aliment
respiratoire
ne fait pas partie de l'armement anti-tuberculeux. Autre nouveauté, on
va distinguer dans la classe ouvrière une variété
142de situations aussi riche que
pour les indigents cinquante ans auparavant et leur conseiller à chacun un menu-
type. Voici celui, correcteur, de notre ouvrier chapelier :

Poids

470
150
100
300
80
37
250
25
20
15
100
3/4 l
1 tasse

Prix

0,165
0,30
0,015
0,05

Pain
Viande cuite
Légumes
Pommes de terre ou
légumes secs
Sucre
Lait
Beurre
Fromage cuit
Riz
Fruits
Vin
Café

0,028
0,075
0,075
0,048
0,01
0,05
0,30
0,08
_________

1 F. 196

Ce menu coûte

En dépensant moins d'argent, l'ouvrier suit une véritable cure anti-
tuberculeuse : le lait et les fruits apparaissent (on connaît désormais les vitamines).
Néanmoins, les piliers alimentaires demeurent : pain, viande et... vin ! Seul l'alcool
fort est supprimé. Autant dire qu'on rompt ici avec une institution car après le café,
l'ordre épicurien de l'ouvrier français, quand il en a les moyens, est le suivant : 1 :
chasse ; 2 : rincette ; 3 : surrincette ; 4 : gloria
143.

Cependant, quelques médecins, journellement confrontés à la question sociale,
savent que l'économie l'emporte sur la science et qu'il faudrait étudier les
possibilités réelles qu'a l'ouvrier pour s'alimenter rationnellement compte tenu des
conditions d'exercice de son travail, de son salaire, du prix et de la qualité des
aliments. Or, beaucoup ont à peine de quoi vivre et la médecine sociale s'indigne
des critiques que font les hygiénistes de leur conduite alimentaire : "Que deviennent
les menus hygiéniques et les enseignements des écoles ménagères ? Tout cela
demeure inutile. Prêcher ainsi l'hygiène au peuple, c'est le provoquer à la révolte.
Quand on a le ventre bien garni, il n'est ni moral, ni bon, d'aller enseigner la
cuisine à ceux qui jeûnent"
144. Et de refaire les calculs sur le prix de revient du
menu modèle du chapelier qui n'est ni en chômage, ni malade, ni endetté. Et de
trouver, en faisant faire l'expérience réelle de ce repas à un ménage d'ouvriers, des
prix de revient de beaucoup supérieurs à ceux de Landouzy (le tiers en plus quand
le repas est préparé pour trois, plus du double quand il ne l'est que pour une
personne). Quant à la critique sur la quantité trop grande de vin absorbé,
l'expérimentateur sait que dans la chapellerie, les fouleurs, par exemple, transpirent


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142L'étude des maladies professionnelles a sans aucun doute contribué à l'affinement des
connaissances sur les corps des ouvriers.
143D'après le mystérieux conteur anglais, qui a écrit : "Mémoires d'un estomac", op. cit.,p. 120
(T. ZELDIN a eu des précurseurs).
144Dr. R. MARTIAL, "L'alimentation des travailleurs", Société de Médecine Publique et de
Génie Sanitaire (séance du 22 mai 1907), RHPS, XXIX, (1907), p. 521.

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