Si la finalité de l'institution militaire est bien la mise en danger des corps, cette
harmonie sacrificielle souffre pourtant de nombreuses dissonances. La question
n'est jamais de savoir de quoi aurait préféré mourir l'homme de guerre. On a
projeté sur lui un profit qu'il ne doit pas compromettre en mourant sans bénéfice.
La logique d'un système spéculatif est toujours d'amenuiser les risques et, en ce
sens, le travail de l'hygiéniste militaire est bien une collaboration au capitalisme des
corps que gère l'hygiène en général.
Seule une certaine forme de mort est recevable. Ainsi, l'usure de l'ouvrier doit-
elle avoir un rythme normal, qui subit des régulations hygiéniques et fera de sa
mort un aboutissement civilisé. L'usure est ici acceptée comme la mort par le fer et
par le feu l'est à la guerre pour le soldat.
La juridiction qui endosse ces normes, c'est la civilisation. Et l'aboutissement
idéologique de tous ces efforts normalisateurs est de faire accepter la guerre
(militaire ou économique) sous une forme codifiée qui canalisera la violence pour la
rentabiliser.
Le profit, d'ailleurs, va aussi au soldat. Il appartient à une patrie et peut trouver
dans l'ivresse des batailles, la jouissance mystique que procure le sacrifice.
Jouissance qui facilite la mort et transcende le corps, de viande destructible en
3MICHELET, L'histoire.
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