Les exigences physiques de la vie militaire fatiguaient quelquefois le soldat, au
point qu'il ne faisait plus honneur à sa gamelle et perdait ainsi ses tissus de réserve.
Or, même chez les animaux domestiques, ce signal physiologique était pris en
compte : "Tout propriétaire de cheval en connaît l'importance ; sitôt qu'il voit le
cheval laisser une partie de sa ration, il s'inquiète, s'émeut et se hâte de diminuer le
travail de l'animal" 68.
Diverses et parfois trop intenses, les activités des troupes sculptaient sans
doute des musculatures athlétiques, mais en faisant beaucoup de déchets. Ainsi, la
marche, apprentissage de base du soldat, anéantissait 10 % d'un régiment
d'infanterie au bout de quelques jours. Les chaussures n'étaient pas seules
responsables des contractures ; il y avait d'abord la marche elle-même et le
chargement qui la compliquait beaucoup.
On pourra se rendre compte, dans le tableau suivant, que cet exercice était loin
d'être un divertissement et même, loin d'être un simple moyen de discipline. Les
exigences de la stratégie en avait fait une science plus complexe qu'il n'apparaît.
Adaptée aux lieux, aux circonstances et aux nécessités de la vitesse, on la comparait
volontiers avec l'art équestre.
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A la fin du siècle, la désignation des pas s'était compliquée du pas de
gymnastique et de la course. A une époque où la vitesse des coureurs d'élite
japonais et cinghalais forçait l'admiration, un manuel de gymnastique fut alors mis
en usage dans les casernes, qui prévoyait des courses de vélocité sur 120 m avec ou
sans armes et bagages 70.
Toutefois, dans certaines colonies, ces exercices étaient complètement
impossibles : "L'Européen ne marchait pas dans le Soudan", c'était un fait
reconnu 71. Les méfaits du soleil et l'anémie tropicale lui donnaient la fièvre tous
les huit jours en moyenne, l'obligeant à se déplacer à dos de mulet et à faire porter
ses effets par les indigènes.
Avec le temps, de plus en plus d'exercices accessoires envahirent la vie
militaire. Des leçons de natation étaient ainsi régulièrement données depuis les


68 BURLUREAUX, op. cit., p. 132.
69 Tableaux tirés de BOUDIN, "Recrutement de l'armée", op. cit., p. 311.
70 Manuel approuvé par le ministre de la guerre le 1/2/1893.
71 DE VIRY, op. cit., p. 481
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