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faite pour consoler les familles inquiètes devant la fin des derniers privilèges et la
généralisation consécutive de la conscription.

Il en sortira encore des conceptions du recrutement moins fantaisistes comme
par exemple celle qui aurait consisté à classer les hommes dans des sections où des
efforts d'intensité variable auraient été demandés : "Le dernier groupe comprendrait
les recrues les plus faibles de chaque compagnie, celles dont le périmètre thoracique
est peu développé, de 78 à 80 centimètres, dont le poids est léger, de 48 à 57 kg,
ainsi que les hommes porteurs de simples défectuosités physiques, en un mot tous
les malingres, tous les tarés, tous les défectueux, qui ne peuvent suivre qu'avec
peine, et à leur détriment, leurs camarades plus robustes et mieux constitués."
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Médicalement surveillés, ces hommes s'amélioreraient sans doute et éviteraient
peut-être les deux plus redoutables fléaux de la caserne : la tuberculose et la fièvre
typhoïde.

La vie militaire, du reste, bénéficiait déjà à certains hommes qui, dans la vie
civile, étaient plus encore en souffrance : "Il est permis de penser qu'un ouvrier, un
mineur, un petit commerçant, un bureaucrate n'auront pas beaucoup à gagner de
vingt à vingt et un ans, en travaillant dans les mines, dans les ateliers, dans des
boutiques ou des bureaux où l'air ruminé et chargé des poussières qu'on y respire,
ne sont pas précisément favorables au développement de leurs poumons et à
l'accroissement de leurs forces. Le régiment, la vie au grand air en les enlevant un
an plus tôt à ces milieux méphitiques améliorera au contraire leur état de santé."
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Cependant, on verra que d'une façon générale, l'armée n'améliore pas l'état
biologique de ses soldats et beaucoup tentaient déjà d'y échapper.


La répression des fraudes


Contrairement aux falsifications commerciales il s'agissait ici, pour se faire
réformer, de paraître pire que ce que l'on était.

Dans l'histoire de la simulation, on peut trouver toutes sortes d'informations
intéressantes. Elles ne seront ici qu'effleurées car la matière relève exclusivement de
la médecine légale et ne nous intéresse que pour les perspectives anthropologiques
qu'elle ouvre.

Ainsi la première variante à envisager serait la diversité régionale de l'invention
que constataient déjà les observateurs de l'époque :"Chacun apporte, dans sa
manière de procéder, l'esprit qui caractérise sa race ; le Breton, sa ténacité (les plus
simulateurs) ; le Normand, sa finasserie ; le Gascon un aplomb imperturbable ; le
Parisien une imagination féconde en ressources."
40Derrière la pointe de racisme,
se cachait sans doute une réelle spécialisation régionale, explicable culturellement.
L
es Bretons, antiques rebelles à la conscription, avaient certainement atteint des
sommets en la matière.


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38Dr. J. BONNETTE (major de 2ème classe),Le caducée, (1907), p. 219commenté par F. H.
RENAUT dans la Revue des journaux, RHPL, XXX, (1908), p. 234.
39G.H. LEMOINE (médecin-inspecteur, directeur du service de santé au premier corps d'armée),
"Incorporation à vingt ans et incorporation simultanée de deux classes", RHPS, XXXVI, 1914,
p 84.
40Dr. BOISSEAU (professeur au Val de grâce), "Considérations sur les maladies simulées dans
l'armée en particulier", HPML, XXXI, (1869), p. 338.

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