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Pendant longtemps, les vêtements calorifères avaient servi de moyens de lutte
contre l'épidémie et en 1832, quand sévissait le choléra, l'administration s'était
empressée de faire distribuer deux paires de chaussettes de laine aux soldats.

Du plus loin qu'ont accessoirement porté nos recherches, il semble que le
pantalon ait toujours constitué un facteur de gêne insoluble. D'une façon générale,
on peut observer dans l'histoire du vêtement militaire, une évolution vers la
suppression du sanglage, des ceintures et des cravates. Il n'est pas jusqu'aux
fameuses bandes molletières, généralisées par imitation des troupes alpines, qui
n'aient subi les attaques des hygiénistes. Génératrices de crampes et de fatigue, les
paysans savoyards y étaient restés résolument réfractaires, alors que les touristes du
début de notre siècle les portaient ostensiblement comme signe de leur savante
adaptation au milieu !

La recherche du pantalon idéal est sans doute à l'origine de ce souci d'aisance
et de suppression des divers liens. Les cavaliers étaient les plus difficiles à vêtir car
la forme et la matière de leurs culottes ne devaient pas envenimer les dangers du
frottement. Ainsi, "le pantalon à la turque en usage chez les zouaves, les tirailleurs
et les spahis, était constitué par une jupe fermée par en bas, n'offrant que deux
ouvertures qui permettaient aux jambes de le traverser ; il laissait les cuisses
parfaitement libres et empêchait les excoriations dans la région pubienne"
43. Mais
la pluie rendait lourdes toutes ces recherches d'amplitude et conjointement, les
tentatives d'imperméabilisation s'intensifiaient. Grands spécialistes en la matière,
les Belges employaient le sel de saturne et l'alun dans les années 1884-85. Puis les
couches de caoutchouc, le gutta-percha et la laque sandaraque recouvrirent les toiles
protectrices : "Dans les expéditions des Achantis et du Soudan, les soldats anglais
étaient pourvus de toiles imperméables sur lesquelles ils se couchaient"
44. Les
Italiens semblent être les premiers à s'être fait des manteaux de ces matières qui
permettaient désormais toutes les ampleurs du dessous.

Mais le serrage n'était pas seulement la cause d'inflammation cutanée, il gênait
les mouvements et compliquait, dans le cas fondamental du pantalon, les
manoeuvres nécessaires aux besoins physiologiques. C'est pourquoi, en 1793, le
citoyen Nicolas Sarrazin, tailleur archivestaire (sic), professeur et démonstrateur en
la science de costume universel, avait inventé le pantalon avec grand pont-levis
postérieur (encore en usage dans les universelles grenouillères actuelles des petits
enfants), qui permettait au soldat "de satisfaire à ses besoins pour ainsi dire en
fuyant et sans déboutonner et mettre bas son pantalon"
45.

Néanmoins, les accessoires d'ajustage étaient quelquefois utiles et la ceinture,
par exemple, pouvait servir de point d'appui sur lequel le soldat reposait ses forces.
Certaines inventions, qui répondaient à ce souci obsédant du militaire pour la
rigidité et la correction des apparences, eurent parfois des conséquences funestes.

L'importance primordiale des chaussures avait toujours été reconnue par les
stratèges et le développement des transports de troupes par les chemins de fer
n'avait pas beaucoup changé les données du problème : un soldat devait pouvoir se
déplacer rapidement pour avancer ou pour fuir et ses chaussures, si elles ne le
portaient pas, ne devaient pas l'entraver. Or, rien n'est plus difficile à concevoir
qu'une chaussure.

Habitat d'un engin contractile, échauffable et générateur de souffrances
paralysantes, la chaussure doit ménager des données anatomiques variables et tirer

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43VIRY, Traité d'hygiène militaire,Paris, 1896, p. 377.
44Id., p. 378
45Rapport d'un Mémoire sur une nouvelle forme à donner à l'habillement militaire,présenté à
l'Académie royale de chirurgie (future Académie de médecine) en 1793, rapporté in C.M., 1916,
p. 370.

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