sommaires : "On exigeait tout au plus qu'il se lavât la figure et les mains, encore ne
mettait-on à sa disposition pour cet usage ni lavabos, ni serviettes. La cour de la
caserne servait, par tous les temps, de cabinet de toilette, le robinet de la fontaine
devait tenir lieu de lavabo ; quant aux serviettes, c'était un luxe inconnu" 54.
A partir de 1870, Merry Delabost (célèbre jusqu'en Allemagne) et d'autres,
firent des expériences qui prolongeaient les tentatives isolées de quelques médecins
militaires du second Empire pour laver les soldats. Les installations prévoyaient de
parer aux récriminations habituelles de l'administration en récupérant la vapeur
gâchée des machines destinées à élever l'eau dans les réservoirs de la prison de
Rouen, où la plus retentissante expérience eut lieu. Tout de suite, l'application avait
été envisagée pour la caserne et la fabrique.
Pour les prisons, des douches panoptiques furent inventées. Les condamnés y
étaient lavés une fois par mois en hiver et le double en été : "ce moyen présente sur
les bains de piscine l'incontestable avantage du renouvellement constant et de la
pureté de l'eau" 55 nous dit Merry Delabost.
En 1879, chaque régiment disposa d'un crédit de 300 francs pour réaliser un
service de ce que l'on appelait alors "bains par aspersion" ou "bains-douches de
propreté" 56. L'installation consistait, dans la plupart des cas, à pomper de l'eau
tiède dans une bâche, puis à l'asperger sur des hommes placés dans des baquets.
Les inventions, là aussi, se multiplièrent et l'on tenta même d'utiliser la chaleur des
fumiers d'écurie pour obtenir de l'eau chaude 57. Si le système ne s'est pas
généralisé dans les régiments, ce n'est pas parce que l'eau était parfumée, mais
parce que l'on craignait de voir s'accumuler dans les casernes du fumier trop
rarement renouvelé, alors que les écuries étaient souvent au-dessous des
chambrées. Expérimenté à Evreux dans la caserne de cavalerie, le système fit
pourtant l'admiration de beaucoup d'hygiénistes qui voyaient là réalisée leur vieille
utopie de recyclage des excréments et, comble de symbolisme, pour laver les corps.
Mais en 1889, une notice sur les casernements-types imposa l'annexion de la
salle de bains-douches à l'infirmerie : "Or, cette disposition est fâcheuse, car les
bains par aspersion entretiennent une certaine humidité dans l'infirmerie, enlèvent à
cet établissement son calme habituel, sont l'occasion de promiscuités dangereuses
et font considérer ces lavages, par beaucoup d'hommes, comme une véritable
médication" 58. C'est pourquoi, en 1907, une circulaire ministérielle (30/5)
relative aux principes à observer à l'avenir dans la construction ou la
restauration des casernes et des infirmeries régimentaires, préconisa la
construction d'un pavillon spécial.
Pendant la première guerre mondiale, toutes les nations rivalisèrent
d'imagination pour doucher leurs hommes, même à proximité du front, dans des
camions aménagés, des tentes équipées, des wagons de chemin de fer. Les
pommeaux de douche étaient parfois des boîtes de conserve criblées de trous ou des


54 LAVERAN cité par le Dr. BONNETTE (médecin-major 1ère classe), "Un pavillon de bains-
douches à cabines individuelles construit d'après la notice du 30/5/1907", RHPS, XXXV, (1913),
p. 283.
55 Dr. MERRY DELABOST (médecin en chef des prisons de Rouen, professeur à l'Ecole de
médecine), "Note sur un système d'ablution pratiqué à la prison de Rouen et applicable à tous les
grands établissements pénitentiaires ou autres"" HPML, XLIII, (1875), p. 111.
56 L'expression était de J. ARNOULD dans ses Nouveaux éléments d'hygiène.
57 Dr. E. VALLIN, "De l'utilisation de la chaleur des fumiers pour le lavage des troupes", RHPS,
tome inaugural, p. 882, des futailles en verre étaient placées sous des couches de fumier et l'eau y
atteignait 70º au bout de 6 jours. En deux heures, 70 à 80 hommes pouvaient être entièrement
lavés pour un coût d'installation de 60 F et une dépense de fonctionnement misérable.
58 BONNETTE, id., p. 283
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