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du ministre de la Guerre, la proportion pour toute la France a été en 1827, de 43 sur
100, ou d'un sur 3,47."
9

Cependant, même si le remplacement favorisait un compromis nécessaire à
l'acceptation de la conscription et à la conception stratégique complexe de la France,
son contenu était suspect. Les dissections périodiques que le renouvellement des
constitutions lui faisait subir en témoignent.


L'égalité malade de la liberté


Les denrées idéologiques des Lumières sont fragiles et se nuisent toujours
mutuellement en ceci qu'elles ne peuvent s'adjoindre et poussent à faire un choix
qui amenuise l'une d'elles. Revendiqué comme une liberté face aux injustices d'un
système strictement égalitaire, le remplacement était libre jusque dans sa nature
contractuelle et son évolution historique prouve avec quelle naturelle aisance on
donnait alors un prix au vivant.
10Dans son travail sur le remplacement militaire,
B. Schnapper met en parallèle "le grand mouvement d'émigration vers l'Amérique.
(Il) s'accompagnait lui aussi de transactions qui ne consistait pas seulement dans la
vente des billets de passage."
11Nul n'ignorait en effet que l'on achetait ainsi une
vie et pas simplement un service. Le métier militaire était très insalubre même en
temps de paix et d'ailleurs, la conscription elle-même, en cela qu'elle compromettait
l'avenir pendant plus de six ans, pouvait déséquilibrer la vie de familles entières.
L'influence qu'a pu avoir le remplacement sur les habitudes d'épargne, notamment
chez les paysans, mériterait une étude car ils étaient numériquement les plus
concernés.

D'abord, on considérait que la conscription leur était bénéfique. Ils trouvaient
dans la vie militaire une meilleure nourriture, de meilleurs vêtements et quelles
chaussures ! (encore précieusement rapportées et entretenues de nos jours) et, luxe
suprême pour ces animaux champêtres, ils pouvaient s'y instruire et qui sait, dans
leur giberne, un bâton de maréchal peut-être se cachait? Fortifiés par ce traitement
humanitaire, ils rentraient au village et rentabilisaient dans leur métier ce bénéfice
physique et moral.

Que de privilèges, en effet, à côté du sort malheureux des enfants de "cette
magnifique bourgeoisie qui faisait la grandeur du pays"!
12Et l'insolence logique
de la classe dominante de 1848, d'ajouter : "vous voulez que la charge soit égale
pour tous ; j'examine si elle l'est en effet, et je vous mets un citoyen dont la carrière
n'est pas détruite à côté d'un autre qui se voue aux carrières libérales, au
commerce, à la médecine, et je vous demande, si vous enlevez celui-ci à vingt ans
pour lui faire passer sept ans dans un régiment, est-ce que vous n'aurez pas brisé sa
carrière ?"
13Cependant, dès cette période où la seconde République se mettait en
place et discutait de l'éventualité d'inscrire le remplacement dans la Constitution,


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9M. de PETIGNY, "Observations sur le recrutement", cit par B. de CHATEAUNEUF, op. cit.,
p. 261.
10
Sous le second Empire le remplacement sera même momentanément (de 1865 à 1868) remplacé
par une exonération due à l'Etat.
11B. SCHNAPPER, Le remplacement militaire en France. Quelques aspects politiques,
économiques et sociaux du recrutement au XIXe siècle, Bibliothèque générale de l'Ecole Pratique
des Hautes Etudes, VIe section, Paris, 1968, p. 285.
12
BOUDIN (médecin en chef de l'armée des Alpes), "Etudes sur le recrutement de l'armée",
HPML, XLI, (1849), p. 281.
13Id., p. 278.

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