la nouvelle technologie, mais en 1875, la loi sur l'immobilisation des régiments 50
confia le blanchissage à une entreprise spécialisée : la Compagnie des lits militaires.
Malheureusement, tout le linge des soldats n'était pas pris en charge 51, et le
spectacle d'hommes de guerre aux prises avec leur petit linge faisait partie du
folklore des casernes. Peu à peu, des lavoirs, puis des buanderies, permirent aux
soldats d'entretenir correctement leurs effets.
Certaines casernes rivalisaient de modernisme en faisant installer des appareils
à lessivage, des dégueuleuses, des tonneaux laveurs, des bassins de rinçage, des
essoreuses et des séchoirs à tiroirs.
L'installation de la buanderie de la garnison allemande d'Hanovre excitait alors
toutes les convoitises : "Les machines à laver étaient munies de six marteaux en
laiton qui battaient le linge pendant douze à dix-huit minutes, à raison de quatre-
vingt coups par minute et par marteau. Le séchage se faisait dans une armoire en
tôle, où le linge était introduit après essorage, et dans laquelle il était manié à l'aide
d'un mécanisme spécial. Un compartiment particulier du bâtiment des chaudières
servait de local pour la désinfection par la vapeur" 52.
A la même époque, l'hôpital militaire du Val de Grâce, où tout le linge des
hôpitaux militaires de Paris était lavé, approchait déjà de cette perfection. Mais la
plupart des casernes essayaient simplement d'améliorer le système du coulage des
ménagères pour qu'il dure moins longtemps, tout en laissant au linge le temps
d'être désinfecté par la bienfaisante vapeur.
Toutefois, l'obtention d'appareils perfectionnés, récemment mis au point, était
vivement souhaitée par les militaires qui voyaient là, non seulement le moyen
d'augmenter la fréquence des lavages, mais aussi la faculté de diminuer la main
d'oeuvre préposée à cette dure et malsaine occupation : "Quoi qu'on fasse
cependant, le service qu'on exige d'eux est pénible : la dépense de force que
nécessite le déplacement du linge mouillé, la constante humidité, les buées
inévitables, sont des causes d'insalubrité contre lesquelles on luttera par une bonne
alimentation, une ventilation suffisante des ateliers et l'obligation de porter des
chaussures mettant le pied à l'abri de l'eau (sabots) et des vêtements imperméables
pour protéger certaines parties selon le travail de chacun (tabliers, pélerine,
etc.)" 53.
L'armée a toujours eu grand soin de la salubrité des occupations de ses soldats
en temps de paix et la caserne fut un des tout premiers microcosmes à organiser
rationnellement le lavage des corps. "Nous avons l'habitude d'envoyer notre linge
au bain, au lieu d'y porter notre peau" avait écrit le grand hygiéniste allemand
Pettenkoffer. Mais avant le second Empire, les soins de propreté du soldat étaient


50 Loi du 13 mars 1875.
51 La compagnie des lits militaires percevait pour le blanchissage, 0 fr. 50 par homme et par
semaine, pour les effets suivants :
1 chemise par semaine ...........par homme de toute arme
1 caleçon par quinzaine
2 bourgerons de cuisine
2 pantalons de cuisine ...........par semaine et par unité (compagnie ou escadron)
4 torchons de cuisine
2 sacs à distribution
Cf. BROUARDEL, op. cit., p. 121.
52 ARNOULD, Principes d'hygiène militaire, Paris, p. 441. Voir également sur le même sujet :
VIRY, RHPS, X, (1880), p. 992.
53 ARNOULD, id., p. 447, les romans de Jack LONDON témoignent pour l'Amérique, à la fois
de l'essor de cette industrie et de son insalubrité. Voir également LANDOUZY, "La tuberculose
des buanderies, blanchisseurs, buanderies etc.", La Presse Médicale, (1905), p. 633.
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