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gonfler les rangs des bataillons disciplinaires. Voici la proportion de ceux qui
passaient devant les conseils de discipline. 
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Appelés..............14,67 %

Engagés..............26,3"

Appelés..............19,33"

Engagés..............73,27"

Infanterie....


Cavalerie....

Inventeur du "cafard" ils forcèrent les médecins militaires à créer une
pathologie-balai en écho d'une analyse sociologique digne de Villermé : "Issus d'un
milieu misérable, fils d'alcooliques, de syphilitiques et de débauchés, ils ont connu,
dès leur enfance, toutes les privations, les basses promiscuités, et vécu en
vagabonds ; plus tard, ils se sont affiliés à des bandes de maraudeurs ou de
souteneurs ; alcoolisés de bonne heure, habitués des prisons, ils s'adonnent aux
vices contre nature et portent en général toute la gamme de stigmates physiques de
dégénérescence." 
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Dans ce ramas d'humanité le caractère capital de la dégénérescence,
l'impulsivité (sorte d'épilepsie couvée par le vice), les prédispose à la haine et à la
violence, et en fait les proies privilégiées de l'obsession, de l'immoralité et d'une
ostensible désocialisation : "l'obsession y prend le nom pittoresque de "cafard". Le
cafard est favorisé par l'isolement, la dépression physique causée par la chaleur,
l'oisiveté forcée, l'exemple des camarades tarés. Cette obsession, faite de
mélancolie, du dégoût de la discipline, de la sensation de l'inutilité de l'existence,
d'une sorte de manie anxieuse, se termine généralement par une impulsion
consciente, une déambulation, une fugue, ou bien par des actes délictueux, des
violences, des insultes ; le niveau intellectuel et moral s'abaisse, ce qui se traduit
par des actes de pédérastie ou de bestialité ; on voit enfin apparaître la manie bizarre
du tatouage, qui laisse sur le corps des signes indélébiles, au mépris des règles de
la plus élémentaire prudence, ou bien encore de véritables épidémies de mutilations
volontaires, dans lesquelles ces malheureux exposent leur vie d'une façon stupide
pour éviter un exercice d'une demi-heure, ou bien une courte corvée." 
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Face à ces ennemis intérieurs, les moyens de dépistage paraissent aussi
essentiels qu'urgents et la notion de non-valeur mentale va se joindre à la très vieille
notion de non-valeur physique dans les conseils de révision. Mais comment juger si
vite une pathologie forcément larvée chez des hommes prédisposés à la
dissimulation, qui savent l'impact social qu'aurait leur classement dans les
dégénérés : leur famille entière en subirait les conséquences. L'appel au maire et à la
notoriété publique incarnée par les parents, les voisins, l'instituteur, les patrons,
l'extrait de casier judiciaire et le certificat de bonne vie et moeurs, tous moyens
suggérés par les médecins militaires, démontrent leur embarras pour distinguer ce
qui sépare les tares psychiques des comportements délictueux qu'elles favorisent.
Conscients de leur incompétence, ils réclament un enseignement et la formation de
médecins experts en la matière : "de même qu'on a jugé bon de créer des emplois
particuliers pour les médecins des laboratoires de bactériologie, régionaux ou de
corps d'armée, de même il paraît désirable de constituer, par un procédé analogue,
un noyau de médecins militaires idoines en psychiatrie, à une époque où plus que
jamais la responsabilité du corps de santé est engagée dans une série d'expertises
délicates."
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28Id., p. 41.
29Ibid., p. 43.
30Ibid., p. 44.
31Ibid., p. 51.

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