l'administration militaire de la nécessité d'adopter, pour l'uniforme, les variantes
infinies des gris : gris d'épine, gris brochet, gris bleu, gris clair etc...

A la fin du XIXème, toutes les armées européennes se mirent à porter des
uniformes de couleur sombre car l'emploi de la poudre sans fumée compliquait les
ressources de la dissimulation. Il fallut même faire attention à tout ce qui brillait :
boutons, fourreaux et casques. Les engins à longue portée influaient également sur
la nécessité de changer les vêtements de combat et avant cette adaptation qui
demandait un lourd financement, les soldats du Tonkin prirent l'habitude de voiler
leurs casques de tissu noir.
Suite au souci stratégique d'un idéal équilibre entre camouflage et emblème
identitaire, la question du confort cherchait sa voie entre les écueils d'une amplitude
onéreuse et brouillonne et ceux d'un gainage élégant mais ligoteur.
Matière maîtresse, la flanelle dominait de sa maternelle présence la panoplie du
protectorat vestimentaire. Impedimenta des moeurs de la campagne, la ceinture de
flanelle avait conquis les troupes où elle était devenue un agent prophylactique
important de la diarrhée et de la dysenterie. Cependant le cholera-belt était source
de gêne pour les soldats des colonies et en 1882 les Anglais commencèrent à saper
les fondations d'une tradition générale en Europe.
La fréquence des maladies de coeur et des palpitations du soldat préoccupait les
autorités militaires anglaises depuis quelques années et une commission nommée
par le Ministère de la guerre avait d'abord établi la responsabilité du mauvais
chargement du sac-valise qu'ils avaient fait redescendre des épaules dans
l'excavation sacro-vertébrale. Les méfaits des excès de tabac, déjà, avaient aussi
été relevés et quelques années après, la vertueuse flanelle comparut à son tour au
banc des accusés. Il faut dire que les soldats de l'Inde et de l'Afrique portaient non
seulement la ceinture du choléra mais également une chemise de flanelle sous leur
uniforme (alors que les indigènes enrégimentés étaient quasiment nus) et ceci par
unique crainte de ce qui, séculairement, cristallisait l'épouvante : le refroidissement.
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