obligatoires, seraient d'ailleurs devenues l'inverse des Conseils de révision
puisqu'on aurait cherché à y dissimuler les motifs de réforme.
Ecarté des chemins de cette police de la procréation, le juriste laissa à la toute
puissance du médecin de famille le soin de régler une question qui lui échappait
fondamentalement parce qu'elle aurait remis en cause tout son échafaudage
normatif.
Le "certificat de semeur" 116, délivré dans le cabinet du confesseur sanitaire de
la famille, était le seul procédé idéologiquement acceptable pour empêcher les
unions biologiquement illégitimes qui menaçaient d'empoisonner la race. Seul
moyen pour responsabiliser les "pourrisseurs" de l'espèce, l'avertissement médical
devait dégager les consciences ou les aider à la purification : "pour tout honnête
homme, l'examen médical avant le mariage est un devoir nécessaire, une obligation
morale, en attendant que ce soit peut-être quelque jour une obligation légale" 117.
En 1900, dans l'Etat du Michigan, une loi interdit le mariage à toute personne
atteinte de gonorrhée ou de syphilis. "Quiconque se mariera dans ces conditions
sera coupable de félonie et passible d'une amende de 500 à 1 000 dollars ou d'un
emprisonnement, qui ne pourra dépasser cinq ans, ou même les deux peines
réunies. Le témoignage de la femme sera admis contre l'époux coupable, et le
privilège du secret médical est abrogé en ce qui concerne ce cas spécial" 118.
En 1909, dans l'Etat de Washington, les couples durent prouver qu'ils étaient
en bonne santé pour pouvoir se marier. Sur les dix premiers qui se présentèrent
alors, huit seulement franchirent l'obstacle : "Les deux autres couples, craignant
peut-être d'être réformés, ont refusé d'obéir à la loi et ont quitté le City Hall et
déclaré qu'ils iraient se marier dans la Colombie anglaise, où il n'y a pas encore de
"conseil de révision"" 119.
Une grande enquête, menée par la Chronique médicale sur la double question
de savoir si le semeur de mauvaise graine devait être considéré comme responsable
et sous quelle forme l'examen de l'état sanitaire des prétendants au mariage pouvait
être demandé, révèla en 1903, que beaucoup des sommités médicales et civiles
d'alors, trouvaient nécessaire la responsabilisation des intéressés. "Pourquoi la
santé en mariage ne deviendrait-elle pas une obligation comme l'impôt, comme le
service militaire, le dû de tout citoyen à la généralité, la soumission aux exigences
qui font la force et la sécurité des pays dans lesquels nous vivons, dont nous tirons
les profits comme nous devons en subir les rigueurs, pour l'harmonie
générale ?..." 120.
Mais la question fondamentale est soulevée par les médecins eux-mêmes.
Sont-ils capables de faire cette justice ? "je crois absolument impossible de dresser
dans l'état actuel de la médecine, une liste certaine, scientifique et indiscutable, des
maladies et des hérédités qui rendent inaptes au service conjugal régulier" 121. Et ce
jugement hasardeux aurait dû être répété avant chaque grossesse si on eût voulu être
en tous points logique.


116 Dr. GRASSET, Idées médicales, Paris, 1912, p. 12.
117 Dr. CAZALIS (auteur de Science et mariage), réponse à une enquête "Le mariage doit-il être
réglementé ?", organisée par la C.M. (à propos du roman d'A. COUVREUR, La graine), C.M.,
(1903), p. 457.
118 Chronique, in HPML, XLIII, (1900), p. 181.
119 L'Eclair, 29/6/1909, cité dans C.M., (1909), p. 432.
120 Enquête de la C.M., Dr. GRASSET (professeur de chimie médicale à l'Université de
Montpellier), p. 463.
121 Id., p. 472.
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