Une étude anthropométrique, faite en Russie sur les prostituées et les
voleuses, répondit en 1889 à l'antique souci de distinguer les femmes honnêtes des
autres. La couleur des yeux, des cheveux, les caractères, l'hérédité et les mesures,
trahissaient l'appartenance (déjà connue de l'enquêtrice, cela va de soi) :
"1º Les prostituées professionnelles sont des êtres incomplets, ayant subi des arrêts
dans leur développement, sont entachées d'une hérédité morbide et présentent des
signes de dégénérescence physique et psychique en rapport avec leur évolution
imparfaite.
2º. Ces signes de dégénérescence physique se manifestent chez elles surtout par la
fréquence des déformations de la tête, les anomalies du crâne et du visage, des
oreilles et la défectuosité des dents.
3º L'anomalie psychique se signale par une débilité de l'intelligence plus ou moins
prononcée ou par une constitution névrophatique ou par une absence du sens
moral.
4º. Les stigmates de dégénérescence sont le plus prononcés chez les prostituées et
les voleuses dont les mères s'adonnaient à l'alcoolisme.
5º La stérilité et l'extinction de la race dépendent chez les prostituées
professionnelles de leur état anormal, fertile en tares héréditaires.
6º. Les voleuses, quoique présentant un grand nombre de signes physiques et
moraux qui les éloignent des femmes honnêtes, s'éloignent moins du type de la
femme normale, que des prostituées parce que la tare héréditaire est moins lourde
chez elles, que le nombre des signes de dégénérescence physique est moins
considérable chez elles, que le nombre des naissances est plus grand chez les
voleuses que chez les prostituées, que leur niveau intellectuel et moral surpasse
celui des prostituées, que les dimensions du crâne des voleuses se rapprochent plus
de la normale que celles du crâne des prostituées.
8º. Toutes ces données concourent à prouver que les prostituées et les voleuses
appartiennent à une classe de femmes anormales, dégénérées ou dégénérantes" 69;
En 1911, le directeur du bureau d'hygiène de Nevers, psycho-physiologue
averti, bat le sociologue au poteau dans la recherche de la cause première : "La
paresse, le désir du lucre, la pauvreté, l'oisiveté sont, aux yeux des sociologues,
les causes déterminantes de la prostitution. Explication, en apparence vraie, mais
fausse devant l'analyse mathématique de la psycho-physiologie" 70.
Pour cette science exacte de la matière humaine, "La prostitution est un bloc
dont les parties constituantes sont de même nature et de même structure ; la
prostituée est un tempérament spécial au même titre que le criminel et l'épileptique.
"Etre faible, dégénérée mentale et souvent physique, la prostituée va à la
prostitution comme l'alcoolique va à l'alcool (...).
"De même qu'il y a une folie du crime, une folie incendiaire, de même il y a la
folie de la prostitution. La prostitution est la folie de la génération" 71 et deux pages
plus loin, c'est la grande déclassification qui commence : "La prostituée, comme
tout animal, ne prête son attention qu'à ce qui produit en elle un état désagréable ou
agréable".
Cependant, on se garde bien de confondre la psycho-physiologie avec l'art
vétérinaire : ici, on s'occupe de la "cousture de l'esprit et du corps" (Montaigne).


69 Dr. REILLE, "Compte rendu de l'étude anthropométrique sur les prostituées et les voleuses du
Dr. Pauline TARNOWSKY, Paris, Lecrosnier et Babé, 1889, in HPML, XXVI, (1891), p. 378.
70 Dr. Octave SIMONOT, "Psychologie physiologique de la prostituée", HPML, XVI, (1911),
p. 498.
71 Id., p. 499.
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