2º Le cadet a été traité à deux reprises dans un asile d'aliénés pour délire aigu et
idées homicides ;
3º Le troisième, après une existence toute de débauches et de plaisirs, est mort à
vingt-sept ans, emporté par une phtisie galopante, affection inconnue jusqu'alors
dans la famille ;
4º L'aînée des filles a vécu maritalement pendant douze ans avec un homme sobre et
intelligent. Sur six enfants, l'hérédité n'en a frappé qu'un : il est ivrogne,
débauché, voleur ;
5º La plus jeunes des filles a perdu tout sens moral. Après une jeunesse orageuse,
elle était parvenue à se marier d'une façon avantageuse : fatiguée d'un bonheur
calme et tranquille, elle n'a pas tardé à quitter le domicile conjugal pour courir de
nouveau les aventures galantes" 77.
Dans la misérable descendance des ivrognes, les désirs sexuels sont aussi
précoces que la perte du sens moral. Manie prostituante et manie alcoolique, tout
naturellement proches, "font le lit de la tuberculose" (Landouzy). A Saint-Lazare,
80 % des prostituées sont tuberculeuses, "plus dangereuses par leur tuberculose
que par leur vérole bâtarde" 78.
Et au bout de ce long compte analytique du rejet, arrive l'éternelle
déclassification : "La force principale de l'humanité est précisément l'adaptation
active par laquelle tout individu s'efforce de modifier le milieu à son profit,
d'écarter de lui les forces destructives qui le menacent. Cette adaptation active
manque à la prostituée et cause sa non-évolution" 79.
Mais voilà qu'à rebours de cette formidable production normalisatrice de la
science, surgissent une nouvelle fois les "à l'envers".

La délectation morbide

Au détour du discours médical, on peut trouver dès la fin du XIXème siècle,
des remarques curieuses sur le comportement social de certains individus. La mode
est au "crevé". On imagine sans peine le désarroi des hygiénistes devant une telle
conspiration culturelle ! Certains vont tenter de l'expliquer courageusement comme
le Docteur Cros, médecin militaire. Veillant à l'usinage des vrais hommes, il est
sans doute plus bouleversé que les autres et trouve dans notre système juridique,
l'origine du mal.
Plus fréquent chez les latins et tout particulièrement chez les Français, le
système de la dot est pour lui un véritable danger social, puisqu'il fait reposer la
sélection matrimoniale sur l'argent et non sur le physique. Aussi, les femmes
disgraciées mais dotées, vont pouvoir procréer et dégrader par l'exemple le système
de représentation sociale : "Leur influence pénètre les moeurs, les envahit à notre
insu, les transforme, et la mode même, qui est une mise en action de notre manière
d'être en général, s'en ressent. On arrive à jalouser les déshéritées de la nature, et
une femme pour avoir du succès devra être pâle, mince, élancée, triste même, et
avoir de temps en temps et à propos quelque attaque de nerfs. Celle qui a le teint
frais et qui est gaillardement plantée, saura aussi se faire pâlir et devenir
intéressante" 80.

77 Dr. TAGUET, Annales médico-psychologiques, 1877, cité par SIMONOT, op. cit., p. 560.
78 SIMONOT, op. cit., p. 562.
79 Id., p. 567.
80 Dr. CROS (médecin major des hôpitaux militaires), "La dépopulation en France - Causes.
Remèdes au mal", HPML, XLVII, (1877), p. 406.
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