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Très tôt, la fragilité des immigrants était apparue. Ils payaient un lourd tribut à
la tuberculose et en 1876, les statistiques montraient, tant bien que mal à cause du
secret attaché à la maladie, que sur 1 000 Parisiens, 13,89 indigènes étaient
tuberculeux contre 17,25 immigrants
60. En 1901, parmi les décès dus à la
tuberculose, on pouvait compter 39,7 % indigènes contre 43,2 % immigrés, sans
parler de ceux qui, se voyant atteints, retournaient dans leur pays d'origine pour y
mourir.

Au premier rang des accusés, l'habitat obsédait l'hygiéniste qui, à force de
lutte, obtint d'immenses progrès (en particulier : l'adduction d'eau et
l'assainissement des voies publiques). Malgré cela, en 1900, sur les 80 000
maisons qui avaient des casiers sanitaires, plus de 32 000 étaient encore insalubres.
La mortalité tuberculeuse, établie par quartier, affichait ces différences et les
tableaux misérabilistes d'ouvriers provinciaux entassés dans d'infects réduits,
nourrissaient les revues d'hygiène.

A Budapest, en 1872 et 1873, Korosi 61avait établi la corrélation statistique
de la mortalité et de l'encombrement :

Chambres habitées par 1 ou2 personnes, mortalité......
Chambres habitées par 3à5 personnes, mortalité......
Chambres habitées par 6 à10 personnes, mortalité......

Chambres habitées par plus de 10 personnes, mortalité..

20
29
32
79
62

Souvent lié à la mauvaise qualité de l'habitat, l'alcoolisme frappait durement le
transplanté : "Troublé dans sa vie, fatigué par le travail, entraîné par des camarades,
l'immigré ne tarde pas à apprendre le chemin du cabaret. Il boit, devient bientôt
intempérant, et l'alcoolisme conduit sans tarder à la tuberculose. Nombreuses sont
les statistiques qui démontrent l'influence phtisiogène de l'alcool"
63.

Au travail, les conditions de vie étaient souvent précaires car on ne leur laissait
que les métiers les plus insalubres. Or, les atmosphères empoussiérées étaient
depuis longtemps accusées de favoriser la phtisie et l'usage des boissons
hygiéniques répondait à cette nécessité où était l'ouvrier de se rincer le gosier. Les
masques protecteurs étaient assez vite apparus dans certaines industries
particulièrement toxiques, mais voulant "faire l'homme" le "soldat du travail",
refusait d'utiliser cet appareillage qui, à ses yeux, avouait sa lâcheté.

Duplication de la place maudite où l'empoisonnement, souvent chimique, tuait
les ouvriers les uns après les autres, le voisinage du camarade tuberculeux semant
ses bacilles effrayait. On s'en éloignait délibérément dès qu'il fréquentait le
dispensaire, aveu définitif et irrémédiable de sa potentialité criminogène.

Privé de lumière, de soleil et d'air, l'ouvrier "ruri-urbain" (sic) concentrait
dans son mode de vie tous les genres de rupture morbigène. La lutte contre l'exode
rural s'appuiera sur ces données hygiéniques : "Il faut montrer aux paysans
l'immigration comme néfaste au triple point de vue de la santé des individus, de
leur longévité et de la multiplication de la race"
64et la réduction du service militaire
à deux années en 1905, fit naïvement espérer que "l'absence moins longue du


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60Dr. AGARD, "Recherches statistiques sur la mortalité par la phtisie à Paris", HPML, XLV,
(1876), p. 571.
61Illustre hygiéniste hongrois, correspondant des HPML.
62BOURGEOIS, op. cit., p. 476.
63Id.
64F.H. RENAUT, RHPS, (1905), p. 446 (un eugéniste).

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