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Etalon de la niche aux normes hygiéniques, la chambre du Touring-Club
ignore les recoins obscurs, les alcôves, les tentures, les rideaux et les papiers
peints. Transformée en cellule hospitalière, elle peut être lavée à grande eau, du sol
au plafond, et avoisine des douches et des salles de bains. C'est que désormais, la
parole est à l'eau et le travail des atmosphères passe au second plan.

Derrière un contrôle des flux qu'une longue expérience autorise, l'hygiène
défriche les chemins de sa diffusion. Montreur du microbe et de ses moeurs,
l'hygiéniste redéfinit les mouvements de population et le geste quotidien. Il jette sur
le monde un filet de rationalités neuves qui corrige l'absolutisme des hyper-civilisés
et éveille l'attention des bons sauvages. Ainsi mise en garde, l'humanité continue sa
route et subit de temps à autres des contrôles dont l'intensité peut servir
d'oscilloscope à la radicalité idéologique de ses promoteurs.

A l'échelle individuelle, les stratégies sanitaires vont imposer un choix tout
aussi crucial entre protectionnisme et libre-échange et ceci, notamment dans la
famille, cadre miniaturisé de l'Etat.


Le conseil de révision matrimonial

"Jusqu'à présent, l'acte procréateur n'a
été qu'un acte instinctif, tel qu'il existait à
l'âge des cavernes. C'est le seul de nos
instincts n'ayant pas été civilisé" 103
.

La faillite sanitaire des entreprises familiales est nombreuses fois décrite dans
les revues d'hygiène. En voici l'exemple-type, reproduit avec plus ou moins de
lyrisme dans différents articles : "Que voyons-nous à Paris chaque jour ? Je vous
dis Paris, mais je pourrais généraliser et dire aussi bien, que voyons-nous chaque
jour dans les villes et les campagnes ?
"Un ouvrier gagnant largement son existence est marié, père de famille ; il
habite une pièce, où l'on fait la cuisine, on mange et on couche. Le père de famille,
parfois un peu alcoolique, prend froid, tombe malade, il cherche d'abord à se
soigner en continuant son travail ; il ne mange plus, il maigrit, ses forces
diminuent, la tuberculose suit son évolution, il est obligé de s'arrêter. A partir de ce
moment, les ressources s'épuisent rapidement, l'aisance relative de la famille fait
place à la misère la plus profonde. La femme cherche à travailler, l'homme garde
les enfants, mais bientôt la femme à son tour surmenée, se privant de tout, même de
nourriture, ressent les premières atteintes du mal qu'elle a pris aux côtés de son
mari ; le père et la mère sont alors admis dans un établissement hospitalier et ne
tardent pas à succomber. Les enfants restent à la charge de l'assistance publique.
Quels enfants, Messieurs ! Nés débiles, élevés dans un air confiné, ils n'ont pas
manqué, malgré les soins de leurs parents, de souffrir du dénûment causé par la
maladie ; ils ont vécu, couché dans une atmosphère remplie de bacilles qui vont se
fixer et se développer sur ce terrain bien préparé pour la réceptivité. L'un va mourir
de méningite, l'autre de phtisie pulmonaire, l'autre d'ostéite tuberculeuse. Si l'un
deux résiste, il restera infirme, à la charge de la société. En peu d'années,
Messieurs, la famille aura disparu"
104.


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103PINARD, (Professeur à la Faculté, membre de l'Académie de médecine), in C.M., (1903),
p. 488.
104BROUARDEL, "Le logement insalubre", HPML, XXXIX, (1898), p. 97. Egalement : XL,
p. 295 (étude lue le 10/1/1898 dans la séance publique annuelle de l'Académie des sciences).

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