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modèle récent des pavillons, moyennement moins morbide, aurait coûté des
millions.
Inhérent à la mutation pastorienne, ce problème financier n'était pas
spécifique à l'armée. Ainsi, la grande loi sanitaire de 1902, qui clôturait la théorie
pastorienne dans les limites savantes du texte juridique, liant par la langue la
volonté législative, c'est-à-dire, en fait, la conviction d'un pays tout entier qu'une
justice était à rendre à un savoir scientifique, ce texte mythique où se rejoignaient
les croyances et l'art de les dire pour tous, n'était pas appliqué. Départements et
municipalités, sans cesse tancés par des rappels ministériels, rechignaient à allouer
des crédits aux nécessaires désinfections et dépensaient sans compter pour des
vétilles : "On est alors en droit de se demander si l'on a partout une éducation
hygiénique suffisante pour apprécier les bienfaits d'une telle loi, mise en échec sans
même paraître redouter les conséquences néfastes d'une telle attitude" 116.
Ainsi, la crédibilité n'était pas générale et la résolution budgétaire allait devoir
passer par un travail pédagogique, dont nous n'esquisserons ici que l'aspect
militaire.

Le travail pédagogique des institutions

Administrativement, ceux qui veillaient au grain, relevaient du ministère de la
Guerre et à la suite de la loi de 1905, qui organisait le recrutement véritablement
généralisé, le service de santé fut mis aux mains d'un civil, sous-secrétaire d'Etat.
Dans la tourmente de sa faible position institutionnelle, il s'informa sur les
besoins "médicaux, hygiéniques et sanitaires" en multipliant les visites de casernes
et d'hôpitaux militaires. Mais l'hygiéniste restait amer devant ces démonstrations
qui font tout le sel d'une administration politiquement bien conduite. Les journaux
ne manquaient pas, en effet, de rapporter ces déplacements multipliés, qui
consolaient l'opinion, mais n'apprenaient rien de nouveau sur l'état déplorable des
armées et indignaient même le médecin militaire, généralement fort réservé sur
l'appréciation de son administration : "Nonobstant, ces efforts paraissent rester
vains ; du moins, l'application des prescriptions n'a pas donné jusqu'alors un
rendement bien tangible. La morbidité militaire générale reste toujours élevée. Sans
recourir aux chiffres, sans faire de faciles comparaisons statistiques, on peut dire
que le nombre des hospitalisations annuelles ne diminue pas. Actuellement, maintes
garnisons paient un lourd tribut aux affections épidémiques, et les hôpitaux
militaires sont encombrés par le fait de l'extension des maladies infectieuses" 117.
Cependant, l'inquiétude née de l'institution d'un homme politique à la tête
d'un service confié depuis toujours à des médecins militaires, s'estompait quelque
peu devant la bonne volonté manifestée par le sous-secrétaire et la conservation
d'un personnel technique dans son entourage.
Cette hybridation du civil et du militaire n'était pas innocente. Elle officialisait
des efforts antérieurs pour grouper les compétences des plus hautes sommités
médicales, tant civiles que militaires. De nombreuses commissions d'enquêtes
avaient eu déjà une composition mixte et en 1904, un décret avait même institué une
Commission supérieure d'hygiène militaire dirigée par des civils, choisis parmi les
plus éminents pastoriens de l'époque : Brouardel et Roux.


116 Dr. F. TANEUR, "Les difficultés budgétaires de l'hygiène militaire", RHPS, XXX, (1908),
p. 458.
117 Dr. F. TANEUR, "L'hygiène et les circulaires ministérielles", RHPS, XXX, (1908), p. 90.
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