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grandes tueuses de soldats qu'étaient la tuberculose et la fièvre typhoïde furent-elles
tout de suite liées à leurs fondamentales origines : la mauvaise sélection au conseil
de révision et l'approvisionnement en eau de qualité douteuse.

Les fièvres éruptives, essentiellement la rougeole, la scarlatine et les oreillons,
pouvaient en principe être plus fortement liées au type de casernement. Maladies
semées par le contact d'homme à homme, elles auraient dû être favorisées par une
architecture qui dictait des promiscuités et des multiplications incoercibles
d'échanges. A priori donc, le pavillonnaire avait toutes les chances de battre sur le
terrain de la salubrité, les bâtiments massifs et délabrés. Or, voilà que les enquêtes
prouvèrent que "les perfectionnements apportés par l'adoption des types plus
modernes et plus confortables n'avaient qu'une influence négligeable"
101. Ce qui
comptait, en revanche, c'était la densité. Plus on avait d'hommes dans les
chambrées, plus on avait de contagion. En bref, le fractionnement que les théories
anti-miasmatiques avaient imposé aux bâtiments, il allait falloir le prolonger à
l'intérieur.

Les murs, cloisons et recoins que l'on avait auparavant accusés d'agglomérer la
poussière, transformant chaque surface interne en obstacle à une aération salutaire
et à un nettoyage obsessif, ces murs étaient non seulement innocentés, mais
reconnus indispensables.

Aussitôt, ceux que le prosélytisme hygiénique sur la désinfection dérangeait,
relevèrent le front et ironisèrent : "Vos microbes, disent-ils, ne sont pas assez
nombreux dans les nouveaux casernements ; vous les désinfectez trop d'ailleurs,
laissez donc ces microbes se détruire entre eux ; il y en a tellement dans les vieilles
casernes, qu'ils sont en concurrence vitale ; ils sont nos ennemis, c'est vrai, nos
défenseurs aussi quand ils se gênent entre eux"
102.

En fait, les vieilles casernes étant davantage suspectées, on n'osait plus y
entasser autant d'hommes et on les désinfectait plus fréquemment. Mais leur vraie
supériorité sanitaire venait de trois éléments essentiels.

Tout d'abord, leur implantation souvent très ancienne avait été choisie sur des
terrains bien exposés et sains, alors qu'au XIXème siècle, la spéculation foncière
imposait déjà la relégation économe hors des villes à tous les microcosmes et que
sous prétexte de les envoyer au soleil et au bon air etde la campagne, on les avait
plantés là où le sol était meilleur marché : "aux abords des villes, sur des terrains
sans valeur, anciens marécages ou dépotoirs suburbains, à sous-sol infecté"
103

Ensuite, on y avait laissé les dispositifs de fractionnement interne : un plus
grand nombre de petites chambres qui, dans les nouveaux casernements, permettait
une moindre densité et un isolement facilité en cas de maladies contagieuses.

Enfin, les murs souvent très épais et les ouvertures beaucoup plus rares,
montraient à l'évidence que "nos ancêtres n'étaient pas aussi pauvres d'esprit et de
raisonnement que pourraient le laisser croire l'abandon que l'on a fait de leurs
méthodes et les différences absolues qui ont guidé les plans des villes
nouvelles" 
104. Dans certaines casernes nouvellement construites, il avait même
fallu aménager des hangars de manoeuvre pour éviter les maladies a frigorique les

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101Drs. G.H. LEMOINE (médecin principal de 2ème classe, professeur au Val de Grâce) et J.
SIMONIN (médecin-major de 1ère classe, professeur au Val de Grâce), "Les rapports de la
morbidité militaire avec l'habitation du soldat", RHPS, XXVIII, (1906), p. 479.
102Citation anonyme reproduite par le Dr. G. PETGES (médecin-major de 2ème classe),
"Influence des casernements sur l'hygiène. Casernes anciennes et nouvelles", RHPS, XXVIII,
(1906), p. 31.
103Id., p. 32.
104Ibid., p. 33

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