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  1. Le grand desserrement


Dès la fin du XVIIIème siècle, les enquêtes retentissantes d'Howard sur l'état
des prisons et des hôpitaux révèlent à l'opinion ce qu'elle soupçonnait déjà rien
qu'à l'odeur et aux périodiques débordements épidémiques : la malpropreté,
l'encombrement et la mortalité impressionnante de ces microcosmes. Accusé de
tous les maux, l'encombrement prend alors la tête de la liste des facteurs
etiologiques pour les affections les plus diverses, physiques ou morales.


L'alibi expérimental


La passion du Siècle des Lumières pour les choses de l'agriculture provoqua
l'ouverture à Lyon, en 1762, de la première école vétérinaire. Créée par le savant
écuyer Bourgelat, grand ami de d'Alembert qui lui avait demandé d'écrire pour
l'Encyclopédie des articles sur la médecine des animaux, le manège et la marécha-
lerie, l'école commença avec deux, puis trente élèves et, en 1766, s'ouvrit alors la
célèbre école du Château d'Alfort. Bertin, ministre de Louis XV, qui avait déjà
soutenu Parmentier dans son grand combat pour la pomme de terre, appuya de
toutes ses forces cette institutionnalisation de l'art vétérinaire.

Or, la fréquence des guerres avait fait de ce siècle une époque meurtrière pour le
bétail qui suivait le mouvement des troupes et répandait partout les germes conta-
gieux. La morve, qui ravageait alors les écuries et frappait quelquefois mortellement
le personnel équestre, n'a pas tout de suite été reconnue d'origine contagieuse.
Mais défendue par Bourgelat, cette théorie fut suivie d'expériences allemandes et
françaises qui montrèrent, dès la fin du XVIIIème siècle, que l'inoculation du pus
morveux entraînait la maladie chez un cheval sain.

De très graves enzooties affligeaient régulièrement les chevaux militaires,
enfermés 20 à 22 heures sur 24 dans des écuries où ils disposaient depuis Vauban
d'une largeur réglementaire d'un mètre seulement. Convaincus avant les autres
médecins de la thèse contagionniste, les vétérinaires savants dénonceront les
inconvénients sanitaires de cet entassement. Dans les infirmeries de chevaux, où les
conditions de logement sont encore plus lamentables, la mortalité est à ce point
systématique, que l'on peut lire dans les rapports du Comité d'hygiène hippique
que "la castration elle-même, cette opération que l'on voit journellement pratiquer
avec succès dans les campagnes par d'ignorants empiriques, n'y réunissait en
quelque sorte qu'exceptionnellement et était pratiquée avec hésitation."
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En 1838, une commission de casernement décida de l'élargissement de l'espace
individuel des chevaux à 1,50 m, après des années d'enquête. Très efficace, la me-
sure fit passer la mortalité morveuse entre 1835 et 1858, de 51 cas pour 1 000 à 10
seulement. Rappelons ici, pour mémoire, l'accueil enthousiaste et le soutien in-
conditionnel que les vétérinaires feront à Pasteur et à la théorie microbienne qu'ils
avaient depuis longtemps pressentie.

Les guerres, qui accentuent toujours les états morbides et les conduites de salut,
démontrèrent l'utilité du desserrement sur les hommes. En 1814, l'utilisation de
l'architecture pavillonnaire des abattoirs fit la démonstration que l'agencement de
l'habitat pouvait influer positivement sur la sauvegarde des blessés. Les deux cam-

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84Dr. RENAULT, "Discussion sur la salubrité des hôpitaux", B.A.M., XXII, (1861-62), p. 313.

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