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acharnement et le plus admirable désintéressement. Le principe même de leur com-
bat les condamnait d'ailleurs à disparaître. Voulant prévenir et guérir les maladies,
l'éducation des hommes que cette démarche impliquait devait théoriquement suppri-
mer, dans le futur, leur utilité. Assurés du bien-fondé de leurs théories et économes
professionnels de la matière humaine, l'idée de trouver dans ces milieux un terrain
d'expériences ne dirigeait pas leur militante activité et n'apparaissait que de façon
accessoire.

Le microcosme était insalubre et menaçait son voisinage ; il fallait le neutraliser
pour pouvoir conserver l'institution qu'il abritait et dont l'essence même était puri-
ficatrice pour la société. Science d'application, l'hygiène, à qui rien de ce qui était
humain n'était étranger, allait permettre à la civilisation des corps faits de corps de
théoriser son action conservatrice pour annihiler par le dire, les dangers du hasard.

Tout naturellement, la caserne a été le lieu historiquement original de cette
préoccupation, car conserver la vie des soldats n'y était pas seulement une entre-
prise humanitaire, mais aussi une nécessité stratégique.

Persuadée de l'influence pathogène que pouvait avoir l'architecture, la civilisa-
tion d'alors imposait de tracer dans la pierre les théories biologiques dominantes.
Par récurrence, on peut alors comprendre ce qui s'était passé dans l'histoire des
idées scientifiques avant le XIXème siècle et voir ce qu'il en était resté à travers les
métamorphoses sémiologiques de la raison architecturale.

  1. L'architecture meurtrière


Dès la fin du XVIIIème siècle, commence un procès qui durera jusqu'à la
première guerre mondiale. Accusés de crime contre l'humanité des microcosmes
qu'ils abritent, les monuments anciens de la splendeur architecturale comparaissent
devant la juridiction biologique.


Le miasme de l'encombrement


L'essence conceptuelle du miasme est l'échange. Pour bien le comprendre, il
faut cerner la nature du produit qui voyage et ce que le déplacement opère sur elle.


La croyance des hygiénistes tourne autour d'une double image :

  1. La productionpar l'agglomération humaine, de "matières ténues fournies,
    soit par la vapeur pulmonaire, soit par les matériaux de la perspiration cutanée
    ou des excrétions"
  1. La décompositionde ce produit animal qui "s'altère, communique à l'air
    une odeur septique, donne lieu à un miasme, peut-être à un virus spécial qui se
    forme dans les cas extrêmes (et qui) paraît être la cause principale des affections
    que les anciens appelaient putrides"
    75.


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75Dr. PIORRY, intervention dans la "Discussion sur la salubrité des hôpitaux", B.A.M., XXII
(1861-62), p. 260.

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