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Afin de tester les différents systèmes, l'Administration de l'assistance publique
fit installer quelques spécimens dans les parages des grands hôpîtaux parisiens
(Cochin et Saint-Louis).

Mais cette architecture de toile, qui était la manifestation de la crainte qu'on avait
alors des monuments imprégnés de miasmes où les systèmes les plus perfectionnés
d'aération n'avaient rien changé aux statistiques effrayantes de la mortalité
86,
s'avéra très vite dangereuse et l'impulsion théorique qui avait pris sa source dans
les péripéties militaires fut vite remise en question. N'était-on pas allé trop loin en
voulant appliquer à des civils ce qui s'était montré bénéfique pour cette race à part
d'hommes qu'étaient les militaires ? Formules économes de desserrement, ces
brouillons d'hôpitaux émiettés facilitaient sans doute l'aération, mais étaient la proie
des outrages météorologiques et parasitaires. Aussi, la démonumentalisation des
microcosmes ne s'est-elle pas attardée longtemps à cette dissémination
singulièrement anti-architecturale.


Vers une architecture anti-miasmatique internationale


Après l'année terrible(1870), les changements de frontière obligèrent la
France à réviser son casernement. Dégarni à l'est, le pays avait besoin de nouveaux
bâtiments. En 1871, un rapport anglais faisait justement état des magnifiques
résultats obtenus par les réformes qui avaient suivi l'enquête de Douglas-Galton sur
les casernes et les hôpitaux militaires du Royaume Uni. Suivant en tous points les
lois du block-system, les nouveaux casernements étaient disséminés sur de larges
espaces et présentaient une morbidité nettement amoindrie.

Malgré cet exemple probant, les Français vont construire, avec les casernes
dites de type 1874, une architecture condamnée par tous les hygiénistes qu'on n'a
d'ailleurs pas consultés : "Fidèle à ses anciens errements, le génie militaire a com-
mencé les travaux de construction sans que le Conseil d'hygiène ait été appelé à se
prononcer sur la valeur des dispositions qu'on avait cru devoir adopter"
87.

A peine construites, ces casernes massives de quatre étages qui avaient des
chambrées de 12 et 24 hommes et un étage mansardé pour les réservistes, étaient
devenues l'objet de projets de transformation par des hygiénistes qui voulaient en
abattre toutes les cloisons et les matériaux inutiles. Alors, à la toute jeune Société de
médecine publique, Trélat s'emballa contre les plans des casernes de type 1874.

"Ces dessins parlent clairement. Ils disent à toute personne un peu expérimentée
que l'habitation sera malsaine aussitôt que quelques contingents s'y seront succé-
dés, et que l'insalubrité croîtra avec le temps, sans qu'on puisse en arrêter la pro-
gression. Cela se lit dans l'énorme quantité de matériaux qui ont été accumulés à
l'intérieur du bâtiment et dans la suppression de l'aérage par courants transversaux
partout où l'on a établi des cloisonnages longitudinaux, diposition qui pèse sur les
deux tiers de la capacité de la construction (...).Les moindres aspérités de leurs
surfaces forment entre elles des abris où de minuscules parcelles de gaz et
d'effluves organiques viennent s'échouer. Ces parcelles en arrêtent d'autres au
passage. Il se forme des ilôts (...). Ce n'est pas une exagération de dire que nos
matériaux de construction jouent au voisinage des gaz et des miasmes, le rôle de

IMAGE Imgs/guilbert-th-2.1.201.gif

86En 1854, l'hôpital Lariboisière, construit en suivant les principes anti-encombrement de
Tenon, possédait une machinerie qui faisait l'envie de tous les hygiénistes européens en
renouvelant jusqu'à 60 fois par 24 heures l'atmosphère du bâtiment. Mais les statistiques y étaient
encore pire qu'ailleurs.
87E. VALLIN, "Etude sur l'insalubrité des quartiers militaires", RHPS, tome inaugural, (1879),
p. 681.

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