|
l'éponge au contact des liquides. Tous les matériaux sont des éponges
miasmatiques qui transforment les bâtiments en magasins remplis de
miasmes". 88
L'administration de la guerre y avait déjà engouffré 100 millions de francs. Or il
en restait trente à sauver de l'erreur. Alors les hygiénistes vont présenter au Sénat,
sous forme de pétition, un travail que l'architecte-salubriste Tollet avait déjà
présenté au Congrès international d'hygiène de 1878 et qui faisait alors l'admiration
de toute l'Europe, y compris l'Allemagne. En voici les lignes principales :
"1º Placer les casernes autant que possible en-dehors et à proximité des villes ;
2º Fractionner les masses casernées par unités d'effectifs et les disséminer sur une
surface qui ménage au moins 50 mètres superficiels par tête ;
3º Supprimer les étages superposés ;
4º Donner aux coupes des salles la figure qui fournira le maximum d'air clos avec le
minimum de matériaux enveloppants et qui favorisera la ventilation ;
5º Substituer le fer au bois dans la construction ;
6º Supprimer tous corridors, cloisonnements et greniers, autrement dit, faire en sorte
que les matériaux constituant les parois des salles présentent, au contact de
l'atmosphère extérieure, des surfaces autant que possible égales à celles qui seront en
contact avec l'atmosphère intérieure ;
7º Etablir dans les parties les plus éloignées des lits, et notamment dans toute la
longueur du faîtage, des gaines de ventilation qui pourront rester ouvertes, même la
nuit ;
8º Disposer le sol des logements de telle sorte qu'il soit imperméable, facile à laver à
grande eau, inaccessible à l'humidité et aux rongeurs ;
9º Arrondir tous les angles rentrants, supprimer toutes les charpentes saillantes et
enduire les parois de substances imperméables ;
10º Rendre la propreté des logements et des hommes obligatoire ;
11º Mettre des lavabos à la portée du soldat ;
12º Donner aux sous-officiers des chambres individuelles convenables, avec accès et
lavabos particuliers ;
13º Séparer tous les services généraux et éloigner des dortoirs toutes les émanations
mauvaises" 89.
Appliqué pour la première fois 90 dans la construction du casernement faite aux
confins de la ville de Bourges, ce manifeste pavillonnaire affiche un progrès que le
nez continue à mesurer :
"Parmi les pavillons que nous avons visités, les uns étaient très propres et fort
bien rangés ; d'autres étaient sales et désordonnés. Il nous est arrivé de glisser sur
de vieilles épluchures de légumes et d'en recueillir les senteurs. Nous avons alors
éprouvé le dégoût que motive la saleté autour de l'homme enfermé ; mais jamais
nous n'avons rencontré cette odeur flétrie et sans remous que recèlent les localités et
les matériaux saturés d'habitation humaine" 91.
Ce système de pavillons éparpillés sur de vastes terrains va donner à tous les
microcosmes une image esthétiquement proche des jardins potagers, fort à
l'honneur au siècle des Lumières. L'origine du mot paradis qui viendrait de
paradyi et qui signifie jardin en persan 92, nous conforte dans cette hypothèse que
des gens venus de la campagne et souffrant d'un entassement aussi incoercible que


88 Rapport d'une commission sur le nouveau casernement de Bourges, comprenant BOULEY
(pastorien déjà fervent), NAPIAS, etc., dont TRELAT (rapporteur), RHPS, tome inaugural,
(1879), p. 1019.
89 Id., p. 440
90 Entretemps, le service de santé était entré dans les commissions de casernement (1879).
91 Rapport sur le casernement de Bourges cf. RHPS, (1879), op. cit., p. 1O19.
92 M. TOUSSAINT-SAMAT, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Bordas, Paris,
1987, p. 451.
|
 |