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nombre d'individus qui, soit par malpropreté habituelle, soit pour faire une espiè-
glerie, soit enfin pour tout autre motif qu'il est fort inutile de chercher à expliquer,
semblent prendre plaisir à souiller tout ce qui est à leur portée"
80. Inventeur d'un
système à balustrades qui supprime les murs récepteurs, cet hygiéniste n'aura pas
encore l'âme en paix : "sans doute il est à craindre que la balustrade à jour ne sug-
gère à quelques-uns la mauvaise pensée d'asperger les étages inférieurs ; mais un
pareil méfait ne se produira pas deux fois ; il sera réprimé par les intéressés, et la
répression de la part des égaux est toujours plus efficace que celle qui vient des
chefs."
81

Or, si les lieux d'aisance inquiètent, c'est parce qu'on croit que "l'ammoniaque
est en quelque sorte le véhicule des odeurs, qu'il les développe et leur donne pour
ainsi dire des ailes."
82

Plus ou moins portées par les airs, les odeurs atteignent un organe qui sert aussi
à la respiration et la plus pure logique va guider l'hygiéniste vers une science des
atmosphères qui donnera à l'architecture un appareil respiratoire.

En 1785, Lavoisier avait confirmé le principe que les miasmes dont il recon-
naissait ignorer "la nature et la pesanteur spécifique"
83s'élevaient dans la hauteur
des salles. La mauvaise odeur des planchers dans les étages supérieurs en faisait
foi. Aussi ouvrait-on, dans les plafonds, des ventouses qui permettaient à l'air cor-
rompu d'être évacué par les fenêtres d'en haut. On se mit alors à transformer les fe-
nêtres en outils perfectionnés de ventilation.

Mais vers le demi-siècle, l'idée de forcer l'aération est empruntée à l'industrie
métallurgique. Des machines aspirantes et foulantes, le plus souvent associées à des
systèmes de chauffage, commencent à donner aux microcosmes des allures de fa-
briques. D'immenses cheminées, véritables derricks, sont plantées sur les toitures
et pompent dans le ciel pur, l'air qu'un cylindre soufflant projette dans les
chambrées ou les salles de malades.

Cette ventilation artificielle, si elle fait l'admiration des amateurs de nouvelles
technologies, est fort contestée par les partisans du système anglais qui consiste en
de simples cheminées allumées dans les salles.

D'ailleurs, toutes ces inventions relèvent du bricolage pour réhabiliter hygiéni-
quement des bâtiments dont la ventilation forcée n'effacera jamais les siècles
d'imprégnation miasmatique que leurs murs emprisonnent.


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80E. DUPONCHEL (ancien officier comptable des hôpitaux militaires) "Nouveau système de
latrines pour les grands établissements publics", HPML, X, (1858), p. 356.
81PARENT-DUCHATELET, "Préjugés médicaux sur l'hygiène", HPML, XIII, (1835), p. 246.
82Id., p. 360.
83Op. cit.par HUSSON, Etude sur les hôpitaux, Paris, P. DUPONT, (1862), p. 51.

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