1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25

Là encore, ce qui est petit est plus salubre.


5º) La densité de la population casernée

Ici, la complexité atteint son comble. L'enquête va s'appuyersur le nombre de
places disponibles pour évaleur cette densité. Or les variations obtenues pour
chaque maladie empêchent d'en extraire toute signification rationnelle. Ainsi, par
exemple, les fièvres éruptives sont plus conséquentes dans les casernes vides que
dans les pleines, qui sont en général celles du type Vauban :

Morbidité

3,7 p. 100
4,9
3,5
4,4
4,7

Casernes présentantde1 à15 lits disponibles
Casernes présentant de16 à50 lits disponibles
Casernes présentant de51 à 100 lits disponibles
Casernes présentant de 101 à 199 lits disponibles
Casernes au-dessus de 200 lits disponibles

En fait, l'argument des places disponibles était un non-sens, car il n'influait en
rien sur la densité : on pouvait très bien avoir des chambrées pleines à côté de salles
vides dans le même casernement.

L'enquête entière était une négation du sens, puisque, très vite, on n'en avait
retenu que les données paradoxales (qui avaient d'ailleurs été pressenties). Il
s'agissait donc bien de nier un sens : celui du pavillon. Pour arriver à ce résultat,
les considérations sur la morbidité générale, toutes en faveur de l'architecture anti-
miasmatique,avaient pu faire oublier la bizarrerie de la supériorité salubre de ce qui
avait matérialisé pendant plus d'un siècle les plus grandes craintes biologiques.
L'essentiel était bien là : on assistait à une remise en ordre des croyances qui passait
par le désordre et s'en nourrissait. L'enquête ne consacrait pas une caserne modèle
qu'il fallait copier sans tarder, elle montrait seulement qu'on s'était trompé en
condamnant systématiquement les vieilles casernes. Le nombre de facteurs jouant
sur la morbidité : climat, nature des affections, effectifs, endémies locales, hygiène
urbaine, etc. décourageait tout effort d'éclaircissement sur l'influence réelle du
casernement : "L'influence de l'habitation militaire sur la santé des troupes, est en
définitive des plus complexes. On est logiquement conduit à penser que le type de
construction doit être considéré presque comme un élément secondaire"
113.Ce
n'était donc pas seulement au pavillon que l'on avait retiré son sens, mais au
schème architectural tout entier.

Le danger microbien était tapi dans l'homme et dans son entassement : "Les lits
devraient être séparés par un espace de 1 m 50, et des cloisonnements en nombre
suffisant, établis, sans nuire à la clarté des pièces, seraient un heureux complément
aux mesures de fractionnement et d'isolement dont l'utilité ressort de toutes les
pièces de cette enquête"
114.

On revenait ainsi à la croyance qui avait fait procéder, au XVIIIème siècle, au
désserrement des chevaux dans les écuries. Mais la problématique s'était
métamorphosée. L'éparpillement des hommes n'était plus ici qu'un premier pas
vers un isolement anti-contagieux et la question de l'aération anti-miasmatique était
passée aux oubliettes, laissant la place à une complexité encore plus grande dans la
prise en compte d'un invisible qui n'avait plus forcément d'odeur et rendait tout
inquiétant. Les murs n'étaient pas innocentés, ils rentraient dans le rang des
innombrables suspects. Cependant que l'homme endossait dans cette complexité, le
premier rôle des nuisances et ceci, surtout depuis que l'on savait qu'il pouvait être
un porteur sain. Toute la logique pastorienne reposait sur une disciplinarité qui

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113Id., p. 507
114Ibid., p. 508

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