1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

ChapitreIII


Le mal en personne

"On nous annonce de Berlin qu'Yvette Guilbert quitte
demain cette ville après y avoir suivi pendant quelques
semaines le traitement du docteur Israel. Les efforts du
chirurgien Berlinois ont eu le meilleur effet sur l'état de
l'artiste, et le bruit répandu dans les journaux qu'une
opération serait nécessaire est dénué de fondement.
Yvette Guilbert se réjouit au contraire d'être autorisée
par le docteur à reparaître sur la scène. D'ailleurs, elle se
propose de revenir à Berlin en janvier prochain pour
consulter de nouveau le professeur Israel"
131.

Les corps célèbres sont en perpétuelle représentation. Observables et
observés, ils n'échappent, ni au médecin, ni à l'individu qui y cherche la
matérialisation d'un mal qu'on lui dit social et qu'il croit reconnaître dans le corps
de ceux qui détiennent un pouvoir.

La complaisance apparente qu'une certaine presse attache à la personnification
du mal échappe à l'hygiénisme. Nous n'en traiterons que parce qu'elle est une
conséquence compensatoire de l'effacement du corps individuel par l'hygiène. En
cela, elle révèle les interrogations que fait sourdre le pouvoir sanitaire sur des corps
que la magie de la puissance n'efface pas, mais rend porteurs d'une généralisation à
visage individuel. Le mécanisme est en partie celui qui opère au théâtre en donnant
au spectateur le droit de s'imaginer dans la peau d'un autre. Mais si ce
dédoublement permet la liberté de dire ce qui par ailleurs est innommable, c'est
pour montrer que personne n'est libre de son corps : ni le roi, ni le sujet.


IMAGE Imgs/guilbert-th-3.1.301.gif

131L'Eclair, cité par la C.M., (1901), p. 755.

290

Accueil Sommaire de l'ouvrage