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ChapitreI

La police du malheur


Après la toilette funèbre, on rhabille les cadavres et ils ont l'air de vivants qui
dorment. Ce ne sont pas ceux-là qui mobilisent, mais ceux qui vont passer, ou les
très vieux morts exhumés, ou mieux, ceux qui sont nus et si possible découpés.

  1. Le spectacle furtif de la chair morte


Si les accidents peuvent quelquefois apaiser cette faim charnelle et concentrer les
curieux au point de gêner les secours (le fait n'est pas nouveau), ils ont
l'inconvénient de s'imposer et peuvent ne révéler qu'une sorte de spasme
inopportun des pulsions. Mais il existe des endroits où ce genre de cadavre gît en
permanence.


La morgue


Mise à part sa clientèle ordinaire, les suicidés, noyés pour la plupart et dix fois
plus souvent militaires
2, la morgue abrite les victimes dont la justice réclame
l'autopsie. Leur identification, quelquefois problématique, rend nécessaire la libre
circulation des visiteurs et c'est ainsi que lorsque les journaux annoncent un crime,
mille à quinze cents personnes y défilent dans la journée. La présence d'agents de
police déguisés en bourgeois est parfois récompensée, car on démasque de temps
en temps les assassins. Certains aiment entendre les commentaires du public sur

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2A. DEVERGIE, "Statistiques de la morgue", HPML, XVII, (1837), p. 310 à 333.

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