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Premièrepartie


Le corps éloigné

"J'aurais honte de chercher dans
l'extase une vérité qui, m'élevant au plan
de l'univers achevé, retirerait le sens de
l'entrée d'un train en gare".1

Quand Levi-Strauss parle de "regard éloigné", il entend que l'objet des études
ethnologiques, délibérément choisi à l'extrême, donne au chercheur une vision de
sa propre société qui, par l'éloignement même, lui en apprend. L'apparente distance
entre le corps mort et le corps vivant inaugure par d'aussi importantes affinités, une
connaissance de l'homme renouvelée.

Commencer par la fin n'est pas forcément une provocation méthodologique. Les
hygiénistes en sont coutumiers. La mort n'est-elle pas au centre des stratégies
d'évitement qu'ils préconisent, inlassablement ? Identifiant les causes, classant les
risques, guettant les signes, mesurant avant la statistique puis avec elle, les scores
effrayants et souvent simultanés de l'épidémie et de la guerre, ils vont devenir,
comme les prêtres, ceux qui dominent le passage.

Cette chose innommable, qui palpite sémiologiquement entre la viande et la
poussière et que l'on saisit comme on peut dans des vocables de soustraction (le


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1G. BATAILLE, Le coupable, 2e édition, revue et corrigée, Paris, Gallimard, 1961, p. 35 (cité
par J. PIEL dans son introduction à la Part maudite, édition de Minuit, 1967, p. 11).

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