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ChapitreIII

La rédemption sanatoriale


Quand il fut constaté que la tuberculose pouvait être prise à l'hôpital par des
cirrhotiques ou des tabétiques - affections si rarement compliquées de tuberculose
dans la clientèle de ville que les maladies passaient pour antagoniques - le rejet
commença sa carrière.

Et d'ailleurs, le tuberculeux était-il un malade comme les autres ? Il se
consumait si longtemps au milieu des vivants... Travaillant, se mariant, ayant en
bref une existence d'honnête homme, il pouvait être assimilé à un malade d'hospice
plutôt qu'à un malade d'hôpital.

Mis à part les incurables qu'il fallait hospitaliser dans des établissements
spéciaux, le mouvement de "déshospitalisation" des phtisiques s'accentua. Il
s'agissait, avant tout, de désencombrer les hôpitaux centraux des grandes villes et
cette opération, assise sur la théorie et la nécessité, s'accompagna d'un baptême.
L'hôpital-hospice, comme on voudra, fut débaptisé et prit ce nom de sanatorium
dont la racine latine
sanatoriussignifie "propre à guérir". Cette nouvelle
appellation, qui ajoutait au mystère de la langue française pour les provinciaux, fut
un moyen de faire accepter l'institution par l'environnement. Mais il dut s'ajouter à
bien d'autres pour que la greffe désurbanisée réussisse.

Le tuberculeux n'effrayait pas qu'à l'hôpital. Crachant, suant, procréant, il
apparaissait comme une machine à excréter du bacille et, en très peu de temps, il
était devenu l'ennemi sanitaire numéro un. Ennemi dont on ne pouvait traduire
significativement la puissance nocive, qu'en le comparant à ce qui matérialisait alors
l'abomination du genre : "On a le devoir de se mettre en garde contre lui, de le
considérer momentanément comme fabriquant des produits dangereux, ou exerçant

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