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ChapitreI

L'économie des corps


Les obstacles mis à la représentation du corps comme chose font qu'il est
toujours choquant d'en calculer le prix. Cependant, sous le feu de
l'industrialisation, certains pays y verront une nécessité stratégique et seront, de ce
fait, assez vite imités.

En même temps qu'une économie d'argent, l'économie des corps est une
épargne de la vie humaine qui demande des garanties juridiques. L'incessant appel
au droit que font les hygiénistes n'obtient que des réponses embarrassées qui sont
la révélation d'une autre logique et explique l'inévitable affrontement de deux
mondes.

  1. L'homme a-t-il un prix ?


Très vite, la terrible évidence s'imposa : pour faire une économie cohérente
des corps, il fallait donner un prix au vivant. La façon pus ou moins détournée d'y
arriver établit une normalisation du discours qui passa, comme à l'ordinaire, par la
détermination des zones maudites et par l'analyse critique de ce qui, ailleurs, se
réalisait .


Le protocole discursif


Conscients du sacrilège, les économistes-sanitaires prirent soin de faire le
détour anesthésiant qu'offrait le corps fictif de la patrie pour établir leurs calculs. Ils
parlèrent alors de donner un prix à la santé publiqueen des termes évidemment
vétérinaires : "La plupart des gouvernements en sont encore, au point de vue de

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