Chercher du pouvoir est une
opération simple et fructueuse. Il y en a
partout. Sans doute existe-t-il de grandes familles, une
sorte de noblesse de la
classification (exécutif, législatif et
judiciaire par exemple) qui absorbe au mieux
l'idéale représentation de l'ordre et qui,
disant bien les choses, du même coup les
contient. Une telle architecture de la pensée
cognitive, aussi purement traditionnelle
présente en outre l'avantage inestimable de
définir d'emblée ce qui s'y oppose.
Le pouvoir sanitaire est-il de
ceux-là ? Dans sa conception et dans
l'échafaudage subséquent de la norme qui en
découle et révèle, elle aussi, les
délinquances, on pourrait sans doute trouver des
ruses taxinomiques qui feraient
jouer à ce pouvoir ubiquitaire par essence un
rôle d'appoint, de sauvegarde, de
salut. En bref, une sorte de don accordé par la
civilisation à l'édifice classique, à
la
représentation normale, précieusement
transmise, des autres pouvoirs. Surcroît de
force, de souplesse, de légitimité, le pouvoir
sanitaire apparaîtrait, en toute logique,
comme une source de santé pour le pouvoir en
général.
En étudiant la
littérature médicale des autres
siècles, on se prend parfois à
penser que dans le futur, certaines croyances qui nous
semblent aujourd'hui
paradoxales, feront un retour justifié et gratifiant.
Il en sera peut-être ainsi pour
celle qui nourrissait l'idée étrange qu'il
était des maladies qu'il fallait laisser
tranquilles 1. Cette
rétention était alors justifiée par la
croyance que certaines
maladies en empêchaient d'autres ou qu'elles
étaient nécessaires à un bon ordre
sanitaire, un instant déjoué mais
foncièrement déterminé à en
tirer profit. Tout ceci
1D. RAYMOND, Traité des maladies qu'il est dangereux
de guérir,
Paris, 1757. (Il y a eu une
nouvelle édition faite par M. GIRAUDY en 1808).
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