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ChapitreII

La dégénérescence n'aura pas
lieu


Tout de suite, l'image tranquille du tuberculeux qui crachait impunément ses

bacilles dans la rue concentra l'énergie des soldats de la prophylaxie. Il fallait
écarter les plus dangereux et éduquer tout le monde dans la science de la
préservation. L'humanité de demain était en question, il ne s'agissait pas de
s'embarrasser des questions sentimentales qui arbitraient l'équilibre des pouvoirs
classiques. Les problèmes d'égalité et de liberté n'étaient pas évacués, ils étaient
transposés à l'échelle sanitaire.

L'égalité était géométrique : la plus ou moins grande dangerosité
contaminatrice la définissait. Quant à la liberté, celle de contagionner était abolie et il
fallait que ses autres formes s'y adaptent.

Inhérente à la justice sanitaire, la mesure de la santé imposait de nouveaux
dispositifs policiers et pénitenciers. Le tri biologique des hommes allait
s'accompagner d'une tentative de rééducation que les alliés américains, par leur
audace habituelle, précipitèrent.

  1. L'impitoyable tri


Bien avant la tentative d'éducation, la ségrégation avait imposé des systèmes
de sélection qui, d'une part rendaient des jugements sanitaires et, de l'autre,
ordonnaient des traitements. Une telle aisance prophylactique n'avait d'abord été
possible qu'à l'égard de la sous-humanité des prostituées et à la fin du siècle, sous
l'influence de la légitimité pastorienne, elle s'était significativement étendue aux
tuberculeux et aux alcooliques. Cependant, le tri aboutissait parfois à

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