1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19

Jean-Pierre BAUD

_____________________________________________________________


recouverte par une homélie sur l'éminente dignité humaine. En
fait, les produits corporels étaient censés ne pas exister : on ne
parlait pas de choses corporelles mais d'actes humains, actes de
générosité et actes de soins. Tirant des conséquences erronées
d'un arrêt concernant une transfusion de bras à bras, c'est-à-
dire où le sang, comme la chose a été démontrée plus haut,
n'entrait pas individuellement dans la sphère juridique, on en
tirait cette conclusion que donner du sang contre de l'argent
n'était pas une vente. De ce fait, ceux qui intervenaient dans le
système français de transfusion sanguine ne se considéraient pas
comme soumis à la responsabilité civile du vendeur
professionnel (garantie des vices cachés), ce qui ne les
empêchait pas, éventuellement, de bâtir une petite fortune sur la

transfusion sanguine.
On sait ce qu'il advint : comment la pusillanimité des
juristes et la bonne conscience médicale furent à l'origine du
drame de la contamination, entre autres des hémophiles, par le
virus du Sida. Qu'on sache, pour mesurer le danger de la
manipulation aveugle de la notion de dignité humaine, que c'est
au nom de cette fameuse dignité que certains transfuseurs
essayèrent alors d'échapper à leurs responsabilités. Comment?
s'égosillèrent-ils, vous osez dire que le sang contaminé était un
produit dangereux. Ne savez-vous pas qu'il faudrait alors dire
que le corps est une chose? La justice française oserait-elle
cautionner un tel mépris de la dignité humaine
19? C'est aussi au
nom de la dignité humaine que la Cour suprême de Californie,
décida, le 9 juillet 1990, que John Moore n'était pas propriétaire


IMAGE Imgs/baud-le_corps01.gif

19En 1991 et 1992, le fait que le sang soit une chose susceptible d'être
vendue a été enfin affirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris et un
jugement du Tribunal de grande instance de Toulouse contre des transfuseurs
arguant de la dignité humaine pour que soient déboutés des transfusés
contaminés par le virus du Sida : Paris, 28 nov. 1991, La semaine juridique
(JCP)
, 92, 21797, note Harichaux ; TGI Toulouse, 16 juill. 1992,La
semaine juridique (JCP)
, 92, 21965, note Labbée.